jeudi 29 mars 2012

Chacun son tour


La cinquième république sous laquelle nous vivons encore, prévoit l’élection du président au suffrage universel à deux tours. On peut ne pas être d’accord avec ce mode de scrutin, voire même souhaiter une nouvelle constitution, mais pour cette fois encore c’est ce mode là qui s’applique.

Quel est l’intérêt d’un scrutin majoritaire à deux tours ? On le trouve pour l’essentiel dans la formule « au premier tour on choisit, au deuxième on élimine ».

Si l’élection se faisait sur un seul tour, c’est forcément le candidat qui aurait le plus de voix qui serait élu. Dans ces conditions, les compromis avec d’autres candidats potentiels devraient se faire avant le dépôt des candidatures, loin du regard des électeurs, afin d’optimiser les chances d’obtenir le meilleur score.

L’avantage d’une élection à deux tours est que tous les grands courants de pensée peuvent être représentés au premier tour, permettant à chaque citoyen de voter pour celui dont il se sent le plus proche. Le premier tour éclaire les candidats possibles du deuxième tour et le peuple lui-même sur ses aspirations, beaucoup mieux que ne le font les sondages d’opinion. 

Les candidats peuvent alors, en connaissance de cause, réajuster ou non leurs propositions pour gagner l’élection. Il me semble qu’il s’agit là d’une manière démocratique de choisir le premier personnage de l’Etat.
Il est donc vrai que le premier tour de l’élection est important. Ce qui l’est moins c’est d’en tirer la conclusion de la nécessité du vote utile. Le vote utile est la négation de la démocratie en ce qu’il amène, sur la base de je ne sais quelle crainte, les citoyens à exprimer un avis qui n’est pas vraiment le leur.

Il est rare que les bénéficiaires du vote utile admettent par la suite cet état de choses. Au contraire, ils utilisent le score réalisé au premier tour pour mesurer le rapport de forces au sein de leur camp lorsqu’il s’agit de réaliser un accord de gouvernement.

On nous a parlé et on nous parle d’une dynamique de premier tour qui favoriserait au second, l’élection du candidat arrivé en tête. C’est prendre les électeurs pour des imbéciles. La dynamique est dans le rapport de forces à l’issue du premier tour entre les deux (ou trois) grands courants d’opinion qui constituent l’échiquier politique de la nation.

Respecter les citoyens, c’est les laisser choisir ceux qui les représentent le mieux et par la suite, tenir les engagements que l’on prend devant eux.

lundi 26 mars 2012

Et si on parlait d’autre chose…


Le sinistre individu qui a sévi à Toulouse et Montauban ces dernières semaines a prétendu avoir mis la France à genoux lors de sa discussion avec le négociateur. Qu’il ait réussi à faire peur à une petite frange de la population est incontestable, mais la France n’était pas à genoux et la République a eu le dernier mot.

En revanche, il aura permis à la campagne électorale de déserter le terrain de l’analyse de la crise et des propositions qui pourraient permettre d’en sortir. Le serpent de mer de l’insécurité refait surface et on rejoue la partie déjà jouée avec les échanges habituels : « C’est moi qui ai fait voter des lois sécuritaires après chaque fait divers que toi, tu n’as pas votées ! » «Moi aussi, j’en ai fait des lois que tu n’as pas votées ! Tu diriges la police depuis dix ans et ça ne s’arrange pas ! ». Sur la touche, une spectatrice crie que si on empêchait tous ceux qui ne sont pas français depuis la vingtième génération de venir en France, il n’y aurait plus de délinquance.

Pendant ce temps, ceux à qui la campagne devrait s’adresser et qui attendent qu’on leur éclaire le chemin pour sortir leurs pieds de dans la gadoue, ne voient pas venir les propositions argumentées, suivies de débats utiles pour leur compréhension.
Il est vrai que certains n’ont pas encore fourni de propositions structurées pour la prochaine mandature. L’un d’entre eux critiquait il y a trois semaines celui que l’on appelle à tort son principal adversaire en disant que son programme tardait. Mais que dire du sien ? Pour le moment il confine au vide sidéral. On ne peut pas reprocher à ceux qui sont contre le système de n’avoir pas de proposition pour l’aménager. Voyant que les problèmes ne pouvaient être résolus à aucune échelle géographique existante, un autre veut exploiter la planète Mars.

Les citoyens voudraient pourtant qu’on leur explique pourquoi l’emploi déserte le pays, le pouvoir d’achat des pauvres diminue, le Guinness Book des plus riches voit nos représentants gagner des places. Comment on peut faire en sorte que l’Europe devienne ce havre de prospérité et de paix qu’on nous avait promis, plutôt que ce carcan qui justifie tous les sacrifices qui nous sont demandés. Comment  donner à nos enfants une éducation et une formation de qualité pour s’adapter à un monde qui change. Quelle place notre pays doit-il occuper dans le concert des nations, quelles alliances stratégiques ? Quand ces sujets là auront été traités, on pourra parler de sujets de société tels que le mariage gay, la dépénalisation du cannabis, les nouveaux jours fériés, etc.

Aux escarmouches sur les terrains bien balisés avec des diatribes éculées, nous préfèrerions une bataille de grande ampleur avec des arguments. Ce serait cela, respecter les citoyens électeurs.

mardi 20 mars 2012

Liberté Inégalité Compassion


Telle pourrait être la devise de ce qu’est devenue notre République sous l’effet de l’action conjuguée de nos gouvernants et du monde médiatique et avec la complicité passive des citoyens.

Nous passerons rapidement sur les deux premiers piliers de cette devise, en notant simplement que la multiplication des inégalités conduit à l’inégalité et que celle-ci affecte l’exercice de la liberté, qui devient celle « du renard libre dans un poulailler libre ».

Regardons plutôt ce qu’est devenue la fraternité dans notre (nos) pays aujourd’hui. Ayant la chance d’habiter l’agglomération toulousaine, nous sommes aux premières loges pour observer le phénomène produit par la folie criminelle d’un dérangé en scooter qui tire sur des soldats désarmés susceptibles d’avoir servi en Afghanistan et sur des enfants et un adulte d’une école confessionnelle juive.

Il nous est asséné par tous les canaux un discours anxiogène appuyé sur des interviews de personnes légitimement choquées par de tels actes. On laisse ouvertes toutes les pistes afin que chacun puisse craindre pour lui et les siens, quelles que soient sa religion, son origine ou son activité sociale. On déclenche le niveau écarlate du plan « vigipirate », qui engendre des complications, des gênes et des embouteillages, contribuant à nous maintenir sous pression.

A côté de ces mesures et attitudes anxiogènes et paternalistes, on organise des cérémonies, des rassemblements, des marches en tout genre visant à médiatiser la compassion.
Auprès des personnes vraiment touchées par ces drames et qui méritent le respect, on assiste à des défilés de faux-culs souhaitant être vus dans leur exhibition de soutien aux familles ou aux communautés affectées. Les mêmes qui ont tenu ou tiendront des discours inacceptables sur les roms, les chômeurs et autres catégories, viennent verser des larmes de crocodile devant les caméras.

On a sûrement oublié la fraternité, qui figure pourtant encore au fronton de nos édifices publics. On utilise plus souvent désormais le terme de solidarité. Mais en réalité on se contente de compassion, trop souvent feinte, pour se donner bonne conscience.

Le retour aux valeurs de la République s’impose plus que jamais.

lundi 19 mars 2012

Sur le rôle des utopies


Confronté au quotidien à une réalité quelquefois très difficile, le citoyen n’a le plus souvent que la possibilité de réagir à ce qu’il perçoit de la politique qu’il subit, qu’il en souffre lui-même ou qu’il soit en empathie avec ceux qui souffrent.

A l’occasion des campagnes électorales, il est confronté à des candidats qui lui proposent une analyse de ce qu’il vit, dans laquelle il va ou non se retrouver, et des choix d’actions pour résoudre les problèmes ainsi identifiés. En principe, ces choix sont appuyés sur un ensemble de valeurs prétendant caractériser les courants politiques concernés.

La fin du XVIIIème et le XIXème siècle ont vu éclore et s’étoffer de grandes théories politiques dont les trois plus marquantes sont devenues l’anarchisme, le libéralisme et le socialisme. Les promoteurs de ces théories et nombre de leurs successeurs n’étaient guidés que par le souci du bonheur de l’humanité. Hélas, des tentatives de mise en œuvre de certaines d’entre elles ont conduit à des situations d’asservissement des peuples et ont ainsi discrédité pour longtemps ces théories ou leurs avatars. Aujourd’hui le socialisme souffre de ce qu’a produit l’expérience communiste et le libéralisme, devenu mondialisé, devient insupportable à ceux qui en subissent les effets en termes d’inégalités, d’exploitation et de délocalisations.
Ce discrédit, aidé par l’évolution des médias et de la technologie, a participé à la perte de repères des peuples et à la progression de l’individualisme, chacun cherchant à tirer pour lui-même son épingle d’un jeu dont il a du mal à assimiler les règles.

En France, mais aussi dans d’autres pays comme l’Espagne et la Grèce, l’arrivée au pouvoir par les urnes en période de paix européenne de mouvements politiques se revendiquant du socialisme a suscité un espoir qui n’a pas tardé à être douché par ce qu’en France certains ont appelé la « parenthèse libérale » ouverte en 1983, que personne n’a songé à refermer depuis lors.

Si la pression du peuple a tendance à baisser après qu’il ait porté la gauche au pouvoir, celle du capital et de la finance ne cesse de s’exercer sur ceux qui gouvernent. C’est ainsi que, tout en tenant le même discours, ils cèdent insensiblement ou brutalement à la pression la plus forte. Le grand écart qui en résulte ne manque pas de produire ses effets, parmi lesquels le renvoi des dirigeants de gauche à leurs chères études.
C’est ainsi que seule la mobilisation des peuples peut « aider » les gouvernements de gauche à rester fidèles aux valeurs qui constituent le socle de l’idéologie socialiste. Qu’aurait pu faire le Front Populaire sans les grandes grèves qui ont suivi son accession au pouvoir ?

La pression du peuple porté par une belle utopie constitue la condition dune dialectique qui débouche sur l’avancée sociale. Dans la campagne en cours, le poids grandissant de l’électorat de J-L Mélenchon est à la fois un avertissement et un soutien pour la gauche traditionnelle qui n’a pas le droit de renouveler les erreurs du passé.

vendredi 16 mars 2012

Les parrains


Déjà en 1962, on se souciait de limiter la possibilité d’être candidat à l’élection présidentielle en prévoyant 100 signatures d’élus répartis sur le territoire national.
Il semble que c’était insuffisant pour éviter les candidatures d’hurluberlus tels que les représentants des éleveurs de puces d’eau du canton de Mouthoumet, des homosexuels habitant les nombres impairs des rues orientées Nord-Sud, ou encore du fan club de Bobby Lapointe.
En effet en 1976 on passait à la notion de parrainage d’élus et on augmentait le nombre de ceux-ci à 500, répartis sur au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer.
On comprend, vu le coût pour la collectivité des campagnes électorales et la nécessité d’un accès égal aux médias pour tous les candidats, que soit recherché le moyen de limiter la cohorte des impétrants.
Ces lois ont produit l’effet souhaité : la réduction du nombre de candidats potentiels. Elles n’ont pas pu empêcher les candidatures que l’on qualifiera d’originales pour ne pas se faire d’ennemis inutiles.

Mais cette loi, comme toute loi, a des effets pervers, dont certains nuisent à l’exercice d’une démocratie moderne.
Le premier est l’occupation par trop importante de l’espace médiatique par le sujet des parrainages lui-même. Durant toute la pré-campagne, il constitue la principale question posée aux candidats potentiels non issus des partis ayant de nombreux élus. Or ceux-ci peuvent être porteurs d’idées originales qu’ils n’ont pas le loisir de développer.
Le deuxième effet est le risque que certains candidats dont personne ne nie la qualité d’homme d’état n’obtiennent pas un nombre suffisant de parrainages. Cette dérive a pu être observée lors de cette pré-campagne pour au moins deux candidats (J.-P. Chevènement et D. de Villepin).
Le troisième est la possibilité qu’une partie importante de l’électorat ne puisse pas exprimer son opinion au travers de l’élection présidentielle (le cas des électeurs du Front National a bien failli se produire (peut-être…).

Alors, il est possible de faire retomber la responsabilité de ces difficultés sur les candidats eux-mêmes. Certains sont tellement sûrs de leur notoriété qu’ils négligent l’importance du recueil des parrainages. D’autres se servent de la difficulté d’en obtenir pour passer pour les victimes d’un système qu’ils souhaitent mettre à bas. Il n’empêche que la situation actuelle n’est pas satisfaisante pour le bon fonctionnement de notre république. Ne pourrait-on pas exempter de parrainages certains candidats ayant eu des responsabilités gouvernementales de haut niveau ? Ne pourrait-on pas utiliser un panel de sondages réalisés par des instituts différents pour valider une candidature à quelques mois de l’élection ? Il y a sûrement des solutions à ce dysfonctionnement notoire de notre démocratie.

mardi 13 mars 2012

Série présidentielle sur toutes les chaines


On va nous l’infliger jusqu’à la caricature ! Le spectacle de la campagne électorale déroule un scénario particulièrement prévisible. Mais n’est-ce pas ce que nous aimons dans les séries américaines que nous sommes nombreux à regarder ?

Des acteurs bien connus qui finissent par quitter le plateau mais sont remplacés par des clones qui ont été introduits suffisamment tôt pour ne pas perturber le ronronnement du téléspectateur.
C’est le cas pour François Hollande, qui reprend le rôle laissé vacant par le départ de François Mitterrand. Les producteurs ont, lors d’un épisode, essayé Lionel Jospin qui a gravement fait chuter l’audimat. Hollande a repris l’attitude et les positionnements mitterrandiens : force tranquille d’un côté, ne faire peur à personne de l’autre.
C’est également le cas pour Marine Le Pen, qui fait preuve de plus de réalisme que papa Jean-Marie et de douceur dans le propos, mais ressort les ficelles usées de la victimisation pour les 500 signatures et le rejet déguisé de l’autre avec l’épisode de la viande hallal.
Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon a retrouvé un rôle longtemps joué par Georges Marchais. A la gouaille de ce dernier, il ajoute un brin de culture du meilleur aloi. Ce rôle manquerait cruellement au casting. Il risque de ramener des téléspectateurs supplémentaires.

Certains acteurs voient un enrichissement de leur rôle et on leur confie l’essentiel du suspens.
Nicolas Sarkozy par exemple. La caractéristique du rôle qu’il joue est la prévisibilité dans l’imprévisibilité. On ne sait jamais lors de quelle séquence il va caresser l’électorat d’extrême droite en fustigeant certaines catégories de la population (chômeurs, immigrés) ou celui de gauche en citant Jaurès et en admonestant les financiers pour leurs errements. Ses revirements assurent une bonne part de la partie comique de la série.
François Bayrou, très souvent second rôle, devient un personnage récurrent, qui se trompe toujours, mais ne cesse de donner des leçons à tout le monde.

Il y a aussi des acteurs qui, fatigués de jouer un petit rôle, quittent volontairement la série. C’est le cas d’Arlette Laguiller et d’Olivier Besancenot, remarquables et attachants personnages secondaires.

Enfin, le casting du rôle, lui aussi récurrent, du vert est assuré par une officine au fonctionnement chaotique et incompréhensible, ce qui lui fait généralement choisir le plus mauvais acteur pour la série.

Les sondeurs participent au maintien en haleine des spectateurs en produisant, avant chaque pause publicitaire, un nouveau sondage. Le dernier en date verrait passer NS devant FH au premier tour, J-LM récupèrerait des voix de FH et NS des voix de MLP, FB végèterait et la descente aux enfers d’EJ se poursuivrait. C’est insoutenable !

lundi 12 mars 2012

Un accord en forme de plat de lentilles


L’AFP a rendu publics quelques éléments de l’accord intervenu entre le PS (Martine Aubry) et le MRC (Jean-Luc Laurent), qualifié de « contrat de législature ».

Les aspects politiques que l’on y trouve ne semblent pas montrer que les lignes auraient beaucoup bougé. Or Jean-Pierre Chevènement a présenté sa candidature à l’élection présidentielle pour « faire bouger les lignes ».
La reprise en main des acteurs de la finance par un contrôle public efficace, la ré-industrialisation du pays, une parité monétaire plus juste, le soutien prioritaire à l’investissement et à la recherche pour les PME, une politique de croissance à l’échelle européenne et le renforcement des moyens de l’école constituent des objectifs louables. Manquent cependant les moyens qui seront pris pour atteindre ces objectifs.

L’histoire récente montre que les accords politiques signés par le PS, y compris avec le MDC ou le MRC, ne valent que pour le papier qui les supporte et la publicité qui en est faite dans les médias. Leur contenu est oublié, voire nié dès le lendemain de la signature.

On appréciera donc l’affirmation par le seul MRC qu’il ne doit pas être porté atteinte à notre industrie nucléaire et à ses capacités, garantes d’une électricité moins chère et moins polluante. De même que le constat de désaccord sur la charte des langues régionales et minoritaires.

Le volet électoral de l’accord prévoit le soutien de 9 candidats MRC par le PS aux élections législatives (parmi lesquelles, sauf raz-de marée improbable, 7 circonscriptions sont imprenables à la droite). Le plat de lentilles est assez peu copieux ! Il n’est pas impossible que des candidats socialistes « dissidents »  se présentent dans ces circonscriptions. Ils seraient alors exclus, mais réintégrés bien sûr par la suite en cas de victoire. 

Les électeurs sont heureusement libres d’apporter leurs suffrages au candidat qui leur parait défendre au plus près leurs convictions. Ils sont assez éloignés des accords d’appareils. Les rapports de force au sein de l’électorat se mesureront à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle.

jeudi 8 mars 2012

L'autonomie bidon des universités


En soi, l’idée de donner de l’autonomie à des structures dotées d’organes de direction démocratiquement désignées semble une excellente chose. On comprend donc que certains responsables élus des universités françaises institués chefs d'entreprises aient approuvé la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU.

Cette loi, proposée par Valérie Pécresse et votée en 2007, visait à faire en sorte que dans un monde vu sous son aspect concurrentiel, les universités de notre pays parviennent à un rang honorable. Divers classements, dont celui de Shanghaï ne situent pas en effet nos universités parmi les meilleures du monde. Les critères de jugement portent sur le nombre prix Nobel, le nombre de chercheurs les plus cités par leurs collègues, le nombre de publications dans les revues Science ou Nature, le nombre de publications indexées dans une base de données mondiale et enfin la taille de l’institution.
De fait, même si chaque critère en soi a du sens, la bibliométrie ne peut rendre compte à elle seule de la valeur d’une université. Cette valeur provient également de sa capacité de proposer une formation de qualité au plus grand nombre d’étudiants. 

Or, à quoi conduit une politique orientée essentiellement vers un meilleur classement international de nos universités ?

En premier lieu à une concurrence frontale entre elles. L’optimisation des critères de Shanghaï conduit à favoriser l’embauche de chercheurs et enseignants-chercheurs dont la production scientifique mesurée par les articles de revue, augmentera le ratio de l’université. Ceci, trop souvent au détriment de la qualité de l’enseignement.

Autre aspect de la loi LRU, le désengagement de l’Etat dans le financement de son système universitaire. Les institutions sont invitées à trouver un complément de financement auprès de partenaires industriels. Le sponsoring de la science n’étant certes pas une caractéristique des grands industriels français, ce partenariat, qui n’est pas en soi à rejeter, deviendra une obligation. Dans ce cas, les contreparties exigées pourront porter atteinte à la liberté du chercheur d’entreprendre des recherches fondamentales.

L’attribution de l’argent, mobilisé par le fameux grand emprunt, au monde de l’enseignement supérieur et de la recherche a été l’occasion d’expérimenter la mise en concurrence des universités. Outre une dépense d’énergie phénoménale pour constituer des dossiers, les responsables des universités ont été conduits à mettre en place des structures nouvelles sensées plaire aux évaluateurs, mais en réalité des « usines à gaz » mettant en péril le fonctionnement des institutions existantes.

Le credo des bienfaits de la concurrence qui anime l’action de nos actuels gouvernants aura ainsi conduit à une autonomie de façade, à la remise ne cause de structures qui donnaient très souvent satisfaction et enfin à l’incompréhension entre les responsables universitaires et une base tenue par nécessité à l’écart du montage des dossiers. Le bilan ne se mesurera pas en termes de millions attribués à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais en déstabilisation complète du système.

lundi 5 mars 2012

L’Europe en campagne


On en a entendu parler de l’Europe, durant ces derniers jours de campagne électorale ! Pas du tout pour aller au fond de cette « grande idée » issue d’une série de massacres au sein de notre continent et de l’espoir d’une paix structurelle entre des pays qui se sont combattus durant des siècles.

L’excellent blog L’arène nue souligne cette absence de débat, alors que nombre de propositions électorales sont subordonnées aux contraintes que font peser sur les nations les outils mis en place par l’Europe ultra libérale (Maastricht, BCE et autres traités de Lisbonne ou en cours de ratification sans consultation des peuples).

Si le sujet est trop peu abordé par les impétrants, il est évoqué sous un angle très original par Der Spiegel, le grand quotidien allemand, qui fait état d’un accord oral passé à l’initiative d’Angela Merkel, entre certains dirigeants européens (l’italien Monti, l’espagnol Rajoy, l’anglais Cameron et elle-même), visant à ne pas recevoir François Hollande durant la campagne présidentielle. Certains de leurs collègues européens se sont tout de même émus de cette attitude partiale.

Pourtant François Hollande n’est pas dangereux - c’est lui qui l’a dit à Londres en fin de semaine dernière - pour l’ordre économique établi en Europe. Mais Nicolas Sarkozy est un partenaire tellement accommodant pour l’Europe libérale défendue par les coalisés, que malgré ses coups de menton et ses roulements d’épaule, il faut de toute urgence voler à son secours. La contagion du changement risquerait à court ou moyen terme de toucher les pays qu’ils dirigent.

Heureusement les citoyens français, premiers concernés par cette élection, auront le mot de la fin. Il faudra bien que les chers voisins acceptent le choix du peuple, quel qu’il soit. Espérons que d’ici là, ils auront pu entendre des débats de fond sur ce que devrait être l’Europe.