mardi 26 juin 2012

Défense d'être idiot


L’âge n’excuse pas tout. Notre grand penseur de l’avenir qu’est Michel Rocard vient, du haut de sa légendaire sagesse, de faire la proposition d’abandonner notre armement nucléaire pour faciliter le retour à l’équilibre budgétaire du pays.
Applaudissement dans les rangs des écologistes dont les deux têtes pensantes autonomes que sont Noël Mamère et Daniel Cohn Bendit se sont exprimées en ce sens.
A n’en point douter, tous les épiciers à la petite semaine dont le regard ne porte pas au-delà de la caisse enregistreuse, approuvent cette idée de génie.

Il est vrai que l’entretien d’une force de dissuasion nucléaire a un coût non négligeable pour un budget chahuté comme celui de la France en ce début du XXIème siècle. Ceci constitue un argument de poids lorsqu’on s’interroge sur les choix d’économies à réaliser si nous voulons laisser à nos enfants un pays raisonnablement endetté.

Cependant, si l’on se retourne vers l’histoire, on s’aperçoit que ce que l’on appelle l’économie a toujours été sujet à des cycles, allant de la misère à la prospérité et vice-versa. Depuis l’avènement du capitalisme et de tous ses avatars dont le dernier est la mondialisation financière, ceci est encore plus vrai. Ces cycles n’affectent pas encore de façon synchrone tous les pays du monde, mais ils existent partout.
Une seconde constante sur notre chère planète est l’existence permanente de conflits plus ou moins armés entre des puissances plus ou moins grandes associées à des pouvoirs plus ou moins démocratiques. La nature humaine a sûrement quelque responsabilité dans cet état de fait. Les mondialistes béats feraient bien de relire Jean-Jacques Rousseau avant de penser que le monde peut devenir une petite maison dans la prairie à grande échelle.

Ainsi, les problèmes économiques trouvent ils par eux-mêmes leur résolution, non sans faire des dégâts collatéraux, que tout l’art de la politique est de minimiser en choisissant ceux qui en souffriront le plus.
En revanche, les conflits inévitables et dont personne ne saurait prévoir la date ni les protagonistes, se produiront toujours. Lorsque la force intervient, c’est l’intégrité physique des humains qui est concernée, que ceux-ci soient militaires ou civils. C’est pourquoi tout humaniste devrait préférer que soient pris les moyens d’éviter l’usage de la force.

Parmi ces moyens, on trouve l’ONU, dont le moindre des paradoxes est qu’il se montre d’autant plus incapable d’intervenir que le conflit est grave. En revanche, quand il s’agit d’écraser une nation sous des prétextes n’ayant rien à voir avec ce qui est annoncé, comme ce fut le cas en Irak, les déploiements de force considérables sont approuvés.

Un autre moyen d’éviter l’usage de la force est de ne pas en disposer. Ainsi, il ne peut être question d’aller faire la police au sein de pays en conflit interne, mais dont les peuples eux-mêmes savent se sortir à plus ou moins longue échéance. Il en va de la sorte pour les derniers théâtres d’intervention de nos armées : la Lybie, l’Afghanistan.

Le dernier moyen d’éviter l’usage de la force est de persuader un éventuel agresseur que la riposte à son attaque serait disproportionnée. Pour cela, il faut que celui-ci soit convaincu que les moyens de réagir sont uniques et énormes. Dans ce cas, il mesurera les conséquences désastreuses pour lui que pourrait avoir son agression.

C’est le principe de la dissuasion. La guerre froide a fait peu de victimes chez ses principaux belligérants. Le coût de l’armement de dissuasion n’est qu’un coût financier, il n’est pas un coût humain.

On mesure ainsi l’inconséquence des mêmes personnages qui demandent d’un côté des interventions militaires pour des raisons humanitaires, sans en mesurer les conséquences à plus long terme et d’un autre côté mettent leur pays dans l’obligation pour se défendre de sacrifier des soldats ou des civils. Je préfère pour ma part mettre ma main au porte-monnaie que mon doigt sur la gâchette.

mardi 19 juin 2012

L’heure des règlements de compte est venue


Les loups chassent en meute. C’est bien connu et c’est ce qui s’est passé durant la dernière période, qui a vu se rassembler derrière un chef de meute provisoire les deux grandes familles politiques qui égaient notre quotidien politique. 

D’un côté, il y avait un chef de meute naturel, dans la mesure où il dirigeait d’une main de fer sa majorité. Aucun autre n’avait osé lui contester le rôle de mâle dominant pendant plus de cinq ans. Mais voilà qu’il se fait humilier par le chef de la meute d’opposition. Il perd aussitôt le leadership de son camp et les successeurs se regardent en chien de faïence quelques jours, avant de se ranger derrière celui qui tenait la maison pendant le quinquennat, pour la prochaine confrontation.

Nouvelle humiliation pour la meute, pire que la première, car la discipline n’a pas régné et que certains ont poussé des hurlements plus proches de ceux que poussait jadis la hyène borgne. Dès lors, la bataille pour la succession est engagée et plusieurs mâles montrent leurs crocs dans la perspective de la confrontation automnale.

Il en va de même pour la meute de gauche, qui a préféré sélectionner son chef lors d’un parcours d’obstacles longtemps avant le départ à la chasse. Il y a bien eu des velléités de la part d’un vieux loup un peu trop solitaire et d’un roquet aux aboiements mélodieux. Le vieux loup est rentré dans le rang rapidement, mais le roquet, tel le charmeur de rats, était suivi par des foules immenses. La première bataille lui a cependant fait perdre sa superbe et il s’est rallié à la horde du mâle dominant.

Le festin législatif a récompensé la meute de gauche, même si la famille du roquet n’a eu que des miettes. Il est vrai que lui-même a été défait dans le combat singulier qu’il a provoqué contre la progéniture de la hyène borgne.

Maintenant que l’on sait qui va dominer durant la prochaine saison quinquennale, les restes de la dépouille vont être partagés entre les seconds rôles. La louve qui gardait la tanière n’a pas eu le gros morceau espéré. Elle partage entre ses louveteaux tout ce qu’elle peut sauver avant d’aller se reposer pour ruminer sa vengeance.

Un épisode douloureux a vu la femelle favorite priver de pitance l’ancienne favorite. Mais celle-ci maintes fois blessée, a toujours su retrouver un rang honorable dans la meute. Gageons qu’elle saura panser ses plaies profondes pour réapparaître lors des prochaines chasses.

Une satisfaction cependant vient de la part de plus en plus importante que prennent les louves dans le combat. Les loups ont vu tout le profit qu’ils pouvaient tirer de l’habileté de leurs femelles. Sont-ils prêts à abandonner certains morceaux qu’ils se réservaient jusqu’à présent ? Nous le saurons bientôt.

mercredi 13 juin 2012

Parachutage et morale politique


Le concept de parachutage électoral est aussi vieux que l’ont permis les codes électoraux. Si les législateurs ont permis cette pratique, c’est soit qu’elle devait soit avoir une utilité dans l’intérêt supérieur de la nation, soit qu’ils étaient conscients qu’il serait toujours possible de contourner l’esprit de la règle d’une manière ou d’une autre.
Constatons donc que ce phénomène existe, mais constatons également qu’il provoque des réactions très vives lorsqu’il se produit. Les exemples célèbres en cours sont légion : Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont, Ségolène Royal à La Rochelle, Gilbert Collard dans le Gard, François Fillon à Paris, Jack Lang dans les Vosges. Chez ces célébrités, le parachutage à droite semble mieux réussir qu’à gauche. 

On peut s’interroger sur les aspects moral et démocratique du parachutage, en ne niant pas qu’ils ne font pas toujours bon ménage.

Pour ce qui est de la démocratie, les élus sont les élus de la nation. Ils votent des lois qui s’appliquent en principe de la même manière sur le territoire national. S’ils obtiennent les suffrages d’une majorité de citoyens de la circonscription concernée, il n’y a pas de raison de crier au déni de démocratie. Mais ce sont rarement des électrons libres et ils sont adoubés par un parti politique. C’est dans l’adoubement que peut se situer le défaut de démocratie. En effet, quand un parti politique impose à sa base, sans aucun vote des adhérents, un candidat venu d’ailleurs, il est difficile de considérer la procédure comme démocratique.

Mais quel sens peut avoir l’imposition par un parti à ses adhérents d’un candidat sur un territoire donné ? 

La première interprétation évidente est qu’il n’existe pas dans le parti et dans ce territoire de candidat potentiel à la hauteur. L’expression « à la hauteur » pouvant signifier soit : capable de gagner l’élection, soit ayant un minimum de qualités pour faire un élu acceptable. Dans l’épisode que nous sommes en train de vivre, la première acception n’est pas valide, car l’aspiration produite par l’élection présidentielle garantit dans les circonscriptions concernées, une victoire à n’importe quel candidat (peu importe le QI ou la force et la qualité des convictions). Donc, pour employer une expression imagée, on prend les autochtones pour des billes.

La deuxième interprétation est qu’il existe au sein des partis des sdf de luxe, qui passent la majorité de leur temps dans l’appareil parisien de leur parti et qui sont de ce fait éloignés de toute préoccupation des territoires situés au-delà du périphérique de la capitale. Ils bénéficient pour survivre dignement de postes qui leur laissent beaucoup de temps libre. Mais côtoyer le pouvoir, tutoyer les puissants tous les jours provoque à la longue une frustration légitime qui les conduit à chercher une circonscription accueillante pour passer du bon côté du rideau de scène. Ils sont idéalement placés pour demander à l’appareil de les investir dans une circonscription gagnable et d’envoyer les figures de proue les soutenir durant la campagne électorale.

Existe-t-il des situations où le parachutage d’un sdf politique soit moralement acceptable ?

Le cas d’une circonscription acquise de longue date à l’autre camp et dont les adhérents du parti souhaitent l’apport d’un personnage de qualité pour tenter de changer la donne, semble tout à fait possible. A ceci près que le personnage en question devrait s’engager auprès de la circonscription qu’il convoite afin que celle-ci ne soit pas qu’un tremplin aussitôt oublié après le saut.
On cherche en vain d’autres conditions qui justifieraient moralement un parachutage. 

Il existe cependant une colonie de sdf, à laquelle s’ajoutent des personnes de qualité ayant le mauvais goût d’habiter une circonscription gagnable en aucune circonstance. Ce serait dommage que la nation se prive de nombre d’entre eux. L’instauration d’une part de proportionnelle dans l’élection législative aurait l’immense avantage de permettre aux appareils de caser quelques uns d’entre eux sans devoir les imposer à des militants qui n’en veulent à aucun prix dans leur circonscription. Le second avantage de cette réforme serait de voir tous les courants de pensée représentés dans l’hémicycle. La morale et la démocratie auraient tout à y gagner.

lundi 11 juin 2012

Après la bataille


Le titre hugolien de ce billet pourrait laisser penser qu’il appelle un récit de la campagne espagnole à la gloire de mon père (encore un titre, mais pagnolien cette fois). Elle mériterait d’être célébrée, mais je voudrais ici évoquer une autre campagne, celle de l’élection législative qui vient de se terminer pour certains, dont je fais partie.

Les billets précédents ont décrit le contexte dans lequel cette campagne s’est déroulée : déni de démocratie interne au Parti Socialiste, parachutage d’un homme de l’appareil parisien, révolte d’une partie des adhérents de ce parti, qui soutiennent un candidat local issu du Mouvement Républicain et Citoyen. A l’issue d’une campagne qui a vu se déchirer des personnes qui ont longtemps milité ensemble, le candidat parachuté n’arrive pas à 30% des suffrages et le candidat local obtient 15% des voix exprimées. La candidate de droite avec 20% des exprimés est repêchée car elle ne fait pas les 12,5% des voix des électeurs inscrits.

Ce résultat piteux et ce second tour entre un politicien professionnel venu chercher une victoire facile et une candidate qui se sacrifie pour son parti dans une circonscription perdue d’avance illustre bien le jeu de dupes qu’a été cet épisode de la vie politique locale.

Le bilan de cette période difficile pour tout le monde est lourd : couleuvres avalées, amitiés ébranlées, mise à jour de comportements en contradiction frontale avec les valeurs défendues officiellement, écœurement d’une partie de l’électorat de gauche.

Mais comme beaucoup de campagnes électorales, celle-ci a permis la rencontre de citoyens enthousiastes, prêts à sacrifier la totalité de leurs loisirs pour défendre un candidat dont ils ne connaissaient jusque là que le nom, à aller au devant des autres pour leur dire la vérité soigneusement occultée par un enfumage des caciques locaux. La chaleur et le plaisir de ces rencontres a largement compensé la déception de voir des amis assumer les choix imposés par un appareil pour des raisons soit inacceptables, soit inavouables.

Un peu de repos ne fera pas de mal. Chacun va pouvoir retrouver son libre arbitre. Puisse-t-il le conserver et l’exercer  pour les prochaines circonstances semblables.

vendredi 8 juin 2012

Le paradoxe socialiste


L’exercice du pouvoir a pour effet de modifier les comportements. Rien que de très naturel et compréhensible.

Cependant, on pourrait imaginer qu’une cure d’opposition pourrait ramener ses bénéficiaires à une attitude plus conforme à l’idée que l’on se fait généralement de la démocratie et qu’ils auraient à nouveau quelques années devant eux avant la rechute inévitable.

On ne sait si le mal était trop profond ou si  le pouvoir détenu à des niveaux plus locaux, tels que les régions ou les départements, voire même les communes, a masqué les effets de la cure d’opposition nationale. Toujours est-il que l’on constate chez les socialistes estampillés au poing et la rose, des attitudes assez peu soucieuses de l’avis de ce qu’il est convenu d’appeler la base d’une part, et un non respect de fait des accords passés avec des partenaires d’autre part, même si en façade on fait mine d’être sans pitié pour les « dissidents » candidats contre les partenaires.

Notre beau département fournit des exemples édifiants de la chronicité du mal.

On a d’un côté, dans la 9ème circonscription, un parfait mépris pour les adhérents, à qui l’on propose de départager deux femmes pour la candidature à l’élection législative et à qui finalement on impose, sans cette fois leur demander leur avis, un candidat venu d’en haut, c'est-à-dire de l’appareil parisien. Il est vrai que le vote de la primaire avait fait l’objet de réclamations diverses. On devait avoir peur d’avoir de nouvelles réclamations si un nouveau vote était proposé. Il aurait peut-être fallu, au moment où s’est décidée la réservation des circonscriptions, penser à ajouter aux partenaires, aux femmes, à la diversité, le nouveau concept d’appareil. Cela aurait simplifié les choses et préservé une apparence de démocratie. On aurait ainsi pu confiner les batailles entre barons à des zones géographiques limitées.

Dans la 3ème circonscription, qui pourtant a été savamment découpée par la droite pour sauver un de ses représentants du désastre, le cas de figure est différent, puisqu’elle a été réservée au partenaire le plus avide de représentation parlementaire, avec lequel on est prêt à signer n’importe quel accord pour limiter sa capacité de nuisance. Mais il est si difficile d’empêcher les amis de se présenter quand même… On va donc retirer l’estampille au contrevenant, tout en lui assurant un soutien officieux. Les apparences sont sauves.

Alors, on se demande si la notion de république exemplaire est comprise de la même manière par le nouveau président de la république et par l’appareil qui lui a permis de le devenir.

Les électeurs qui ont été informés ou qui se sont rendu compte tout seuls de ces comportements ne manqueront pas de montrer leur désaccord au moment du vote. La pédagogie par essai-erreur pourra alors faire son œuvre. Mais peut-être s’agit-il là d’un rêve…