La période que nous vivons a comme un petit goût de
déjà vu. Une guerre civile a lieu dans un pays du Sud, en l’occurrence cette
fois ci la Syrie, suite à un soulèvement populaire contre un régime
autoritaire. On suspecte le pouvoir en place d’utiliser des armes interdites
pour venir à bout de la rébellion. Ce pouvoir a le soutien affiché d’une grande
puissance : la Russie et implicite d’une autre : la Chine.
Et voila que dans le camp des « grands pays
civilisés », c’est-à-dire les Etats-Unis, le Royaume Uni et la France on cherche
la preuve de l’utilisation par les troupes fidèles à Bachar El Hassad d’armes
chimiques qui ont fait des dizaines de victimes civiles. Cette preuve est
indispensable pour la justification morale d’une éventuelle intervention, car
les peuples de ces pays se sont déjà fait rouler par leurs dirigeants quant à
la possession d’armes de destruction massive par le régime iraquien de Saddam
Hussein, justifiant l’engagement dans la deuxième guerre du Golfe.
Mais pendant ce temps, on prépare l’infrastructure d’une
intervention lourde en positionnant des navires de guerre porteurs d’engins
capables d’opérer des « frappes chirurgicales » sur des objectifs
militaires ou policiers syriens.
Ce soit disant « droit d’ingérence » dans
les affaires d’un état souverain, cher à Bernard Kouchner, constitue une dérive
postcoloniale qui est non seulement inacceptable, mais encore dangereuse, quand
on voit le résultat des dernières interventions. La Lybie par exemple, dont on
ne parle guère plus, mais qui est le théâtre d’affrontements mortels et dont
aucun pouvoir solide et légitime ne semble en mesure de s’établir durablement.
L’Irak où les attentats font tous les jours des dizaines de morts.
Il en va autrement des pays qui demandent l’intervention
d’une force alliée contre un ennemi intérieur, comme le Mali. Sachant tout de
même que l’engagement dans ce pays n’est pas terminé et que l’on ne voit pas le
terme du processus à moyenne échéance.
Alors il est vrai qu’on est révulsé par la manière
qu’ont certains dirigeants de répondre aux aspirations légitimes de leur peuple
à la démocratie, la justice et à l’égalité entre les citoyens. On ne peut pas fermer les
yeux devant des comportements génocidaires. Il existe des moyens diplomatiques
et économiques de peser sur ces dictatures qui n’ont pas tous été utilisés.
L’intervention militaire, même si elle permet aux
pays de tester leur armement, à leurs dirigeants de jouer les matamores et de
prendre des points dans les sondages sur la base des plus bas instincts (fierté
d’être du bon côté du missile), n’est que la partie émergée d’un iceberg qui
est constitué de l’affaiblissement économique
de la région concernée, l’exacerbation de haines ancestrales, la
déstabilisation politique durable favorisant l’émergence de régimes plus ou
moins théocratiques, etc.
L’intervention militaire a par ailleurs un coût
direct, difficile à justifier quand on doit faire des économies drastiques
(jusque dans la recherche publique) et un coût indirect, diplomatique, qui établit
pour une longue période une haine tenace de ces pays néocoloniaux qui se
croient autorisés à se mêler de affaires intérieures des autres.
Il va de soi que nos responsables politiques sont
assez intelligents pour être conscients de tout cela. Il reste néanmoins à
souhaiter qu’ils feront leurs choix d’action sur la base de considérations
avouables.