dimanche 15 septembre 2013

Entre la peste et le choléra, choisissons la justice



L’affaire dite « du bijoutier de Nice » a beaucoup occupé les médias ces derniers jours. Le record de mentions j’aime sur la page facebook consacrée au soutien du bijoutier, quoique contesté quant à son authenticité, est caractéristique d’une assez grande mobilisation des internautes.

Le débat est assez bien posé en général. L’intervention du procureur de Nice est à cet égard d’une grande clarté. Cependant, si l’on tente de se faire une opinion sur cette affaire, on peut être choqué par les interviews des proches et soutiens du bijoutier mais aussi de la famille du jeune cambrioleur tué dans cette opération.

Les uns parlent de légitime défense en arguant de la répétition des agressions du même genre subies par le commerçant et les autres s’insurgent que leur fils ou neveu ait pu recevoir une balle lors d’un cambriolage à main armée et voudraient voir l’assassin croupir en prison en attendant le procès (qu’aurait on entendu de plus si le commerçant avait été un français de souche).

L’exaspération, la peur viscérale qui affecte les personnes victimes d’agressions dans l’exercice de leur activité professionnelle, sont naturelles et parfaitement compréhensibles. La réponse à cet état de fait doit être trouvée dans le soutien de la société (psychologique, social et économique si nécessaire) aux victimes de ces violences. L’époque où l’on faisait la justice soi-même est révolue, car un système toujours imparfait mais moralement acceptable a été mis au point : il s’appelle la justice.

Faire la démarche de s’équiper en armes létales pour faire face à des situations stressantes comme les attaques à main armée constitue la faute initiale. On ne sait pas en effet comment on va réagir sous le coup de la légitime colère qui nous saisira à la prochaine occasion. Il sera trop tard ensuite pour regretter d’avoir apporté une réponse disproportionnée à cette nouvelle agression. Il sera également difficile d’invoquer la légitime défense après avoir tiré dans le dos du ou des cambrioleur(s) qui s’enfuyai(en)t.

Symétriquement, utiliser une arme pour menacer quelqu’un et lui voler son bien en le terrorisant constitue une prise de risque assumée par le cambrioleur. La probabilité de se faire tirer dessus n’est pas nulle. Il est donc assez illégitime de la part de l’entourage, qui est en général le mieux à même d’éviter au délinquant de céder à la facilité du recours à la violence comme moyen de subsister, de réclamer une grande sévérité contre l’agressé devenu agresseur.

La vengeance conduit le plus souvent à une spirale infernale dont les effets sont incomparablement plus graves que les raisons qui en sont à l’origine. Les personnes qui manifestent leur soutien aux auteurs d’actes de vengeance affichent en même temps leur manque de confiance en la justice. Ils ne font pas preuve d’une grande intelligence, car la mise en place d’un outil comme la justice est le signe d’un progrès de la civilisation. On peut pourtant penser qu’ils ne sont pas nostalgiques du bon vieux temps des règlements de compte et de la loi du plus fort.