mercredi 16 octobre 2013

La science et l’obscurantisme



Je n’aurais pas imaginé me trouver en accord aussi franc avec Michel Rocard et Alain Juppé. C’était en revanche un peu plus logique pour ce qui concerne Robert Badinter et parfaitement attendu pour Jean-Pierre Chevènement.

En effet, ces quatre hommes d’état, qu’on ne peut pas suspecter de manque de hauteur de vue, même si l’on peut être en désaccord avec les solutions qu’ils proposent, ont produit ensemble une tribune dans Libération le 14 octobre 2013, intitulée «La  France a besoin de scientifiques techniciens ».

On croyait la prophétie de Malraux « le XXIème siècle sera religieux (ou mystique) ou ne sera pas » assez hasardeuse. La montée en puissance des intégrismes religieux va pourtant dans ce sens. Hélas, ce n’est pas seulement chez les religieux que l’obscurantisme fait des progrès. Parmi les tenants de la laïcité, on trouve de plus en plus de groupes de pression qui s’opposent, avec des méthodes qui méritent d’être interrogées, à la recherche des éventuels progrès scientifiques qui caractérisent la nature humaine au sein de la nature tout court.

Pourtant, l’exercice de la citoyenneté se nourrit de l’évaluation d’arguments contradictoires. Parmi ceux-ci, sont indispensables ceux des scientifiques qui consacrent toute leur activité à travailler sur les sujets concernés. Chacun sait que le progrès technique est porteur à la fois de transformations positives pour le genre humain, mais aussi de conséquences qui peuvent être fâcheuses. Ces dernières doivent constituer une part raisonnable de l’effort consacré pour leur développement. Ne considérer que l’un des deux aspects pour interdire toute recherche visant à innover dans certains domaines relève d’un nouveau totalitarisme, aussi dangereux que les autres.

Les Cassandre qui prédisent les pires calamités aujourd’hui à propos des OGM, du nucléaire, des nanotechnologies auraient sans aucun doute soutenu ceux qui craignaient les dangers pour la santé des passagers d’une automobile dépassant les 60 km/h et auraient empêché le développement d’une industrie qui a constitué le moteur de l’activité durant presque un siècle.

Non que ces technologies soient exemptes de défauts ! Mais un débat ordonné avec une parole libre des uns et des autres, sans anathème ni bâillonnement de certaines opinions serait plus utile à la compréhension des citoyens, qui pourraient ainsi se forger leur propre opinion et mandater la classe politique pour mettre en œuvre les meilleurs choix.

L’heure n’est pas aux autodafés. Les enjeux planétaires (écologiques et humains) sont suffisamment graves pour que toutes les opinions soient entendues et tous les travaux de recherche entrepris et encouragés pour avancer les yeux ouverts vers un avenir librement choisi.