dimanche 26 octobre 2014

Pourquoi ce sentiment de fin de règne ?



Peut-être suis-je le seul à avoir, depuis quelques mois, ce sentiment que nous vivons une fin de règne. Tout concourt à accroître cette impression. 

D’abord, la sensation que l’on ne se sortira (en bien ou en plus mal) de la situation économique que nous subissons que par un changement radical, qu’il s’agisse d’une démission générale des citoyens se traduisant par l’avènement du Front National, ou d’une révolte de ces mêmes citoyens, décidés à ne plus accepter le discours d’impuissance et d’austérité de la classe politique et les reculs de ce qui était jusque là considéré comme des acquis sociaux, dans le domaine du droit du travail, de l’âge de la retraite, de la politique familiale, etc.

Ensuite, l’observation du dédouanement général pratiqué par ceux qui viennent de quitter le pouvoir ou ses sphères, au travers de livres dénonciateurs, qui ne font qu’aggraver le ressentiment des citoyens contre une classe politique qui semble ne se préoccuper que du microcosme qu’elle constitue et se tenir toujours plus éloignée de leurs préoccupations quotidiennes.

Parallèlement, les révélations sur l’incivisme inacceptable de trop nombreux représentants de la nation, quand il ne s’agit pas de malhonnêteté pure et simple de la part de personnes qui devraient afficher un comportement exemplaire et qui bénéficient par ailleurs de protections particulières comme l’immunité parlementaire.

Mais aussi l’existence d’une mise sous tutelle de fait de la nation par des instances non élues, comme la commission européenne, à qui on ne peut reprocher de mettre en œuvre une politique qui constitue sa raison d’être. L’exemple du retoquage du budget de la France est à bien des égards parlant, car quel meilleur exemple de souveraineté que le vote du budget national ?

N’ayant pas la fibre révolutionnaire et ne souhaitant pas revenir aux belles heures du pétainisme ou de l’OAS, on s’inquiète de la montée de ce sentiment de fin de règne et on souhaite que parmi les hommes et femmes politiques du pays se trouve des gens capables d’entendre des analyses faites depuis longtemps, qui montrent tous les jours leur pertinence, et qui aient le courage de proposer des remises en cause fondamentales, notamment vis-à-vis de la monnaie unique européenne.

jeudi 4 septembre 2014

Qui décide en notre nom ?



On apprend le 3 septembre que la livraison par l’industrie française (en l’occurrence les Chantiers Navals de l’Atlantique) d’un porte hélicoptères à la Russie, qui devait avoir lieu début octobre, est suspendue, au prétexte que « les conditions n’en sont pas réunies ». On suppose que ces conditions concernent l’attitude de la Russie dans le conflit de plus en plus meurtrier qui se déroule sur le sol ukrainien.

Aussitôt après cette annonce, qui précède de peu la réunion au Royaume Uni des dirigeants de l’OTAN, nos chers alliés Etats-Unis et Royaume Uni se sont félicités de la décision française. Gageons qu’au sein de l’Union Européenne, et surtout dans les pays baltes le même sentiment prévaut.

L’enthousiasme est beaucoup plus modéré dans notre pays pour des raisons évidentes. 

La première est que cette décision va à l’encontre d’une annonce précédente faite par le même chef de l’Etat, ce qui donne ou confirme une impression fâcheuse d’indétermination dans la conduite des relations internationales.

La deuxième est que les conseilleurs ne sont pas les payeurs et que les énormes coûts directs mais aussi indirects de cette « décision » ne seront pas supportés par ceux qui applaudissent, mais par la France seule (indemnités de retard, voire annulation de commande et remboursement, perte de futurs marchés, etc).

La troisième est que l’état lamentable de notre tissu industriel fait aujourd’hui consensus et que cette attitude a toutes les chances de mettre à mal un des derniers pans encore debout de notre industrie, avec la perte d’emplois, de savoir faire et d’indépendance nationale qui en sont les corollaires.

On peut ainsi se poser légitimement la question de qui décide réellement pour la France ? S’agit-il de nos amis européens, c’est-à-dire essentiellement de l’Allemagne ? S’agit-il de nos alliés atlantiques, c’est-à-dire essentiellement les Etats-Unis ? Dans les deux cas, elle est loin l’image de la France indépendante, libre de ses choix et souveraine, qu’a représenté en son temps le général de Gaulle. Elle devient la dernière roue du carrosse qui perd tous les jours des rayons supplémentaires.

Constat particulièrement déprimant qui ne peut qu’aller à l’encontre de l’état d’esprit nécessaire au redressement national que tout le monde souhaite sans en ressentir le souffle.

mardi 22 juillet 2014

Déséquilibres



Ce que les médias appellent le conflit israélo-palestinien constitue une caricature de l’hypocrisie dont peuvent faire preuve certains pays, dont le notre, en prétendant adopter une position équilibrée entre les parties en présence.

De quel équilibre parle-t-on ? D’un côté, un pays reconnu dans ses frontières initiales, de l’autre des territoires sans continuité, sans statut, placés sous embargo ; d’un côté un état qui développe son implantation territoriale au-delà de ses frontières reconnues pour se développer, de l’autre des terres ancestrales cultivées qui disparaissent pour recevoir les immeubles du colonisateur ; d’un côté, une nation surarmée avec des services de renseignements puissants, des outils de surveillance sophistiqués, de l’autre, un peuple dont la survie immédiate constitue le premier souci et dont certains groupes organisés réussissent à se procurer des armes mortelles mais sans précision et incapables de franchir la protection adverse ; d’un côté des victimes peu nombreuses, de l’autre des centaines de victimes en grande partie civiles. Où est l’équilibre là-dedans qui permet de renvoyer dos à dos les protagonistes ?

Le seul point de comparaison entre les peuples belligérants est la présence de religieux fanatiques aussi dangereux pour eux que pour l’adversaire. C’est d’eux que vient l’impossibilité de parvenir à une solution qui permettrait à chacun de vivre dans la paix.

Cependant, la faute initiale est souvent imputable à des gens dont l’action n’est en principe pas guidée par des considérations d’orthodoxie religieuse. C’est par la suite que le religieux déclenche des conflits causant des pertes humaines considérables et la désagrégation des nations. Il en est ainsi au Moyen Orient pour l’état d’Israël depuis sa création, mais également en Irak, où c’est au sein même du monde musulman que l’affrontement se produit. Que dire du Liban, de la Syrie, de la Lybie. Les soi-disant interventions de la communauté internationale pour libérer les peuples de leurs oppresseurs ont conduit au chaos.

Sauf à considérer que les grandes puissances ne savent que produire des dirigeants incapables et à courte vue, il faut bien admettre que l’impuissance de ces pays, soumis à des guerres civiles doit bien les arranger dans leur quête de domination mondiale et de ressources à bon marché. Ce calcul est évidemment immoral et contre productif à terme.

Tout ceci fait sonner faux les discours d’appel à l’apaisement par les responsables des grands pays, premiers fournisseurs des moyens de destruction mis en œuvre dans ces conflits.

Or il est plus que jamais temps d’utiliser les moyens de pression économiques très puissants qui seuls pourraient contraindre à l’arrêt des massacres et à la recherche d’une cohabitation apaisée entre personnes vivant sur la même terre. Il ne faut pas compter sur le déploiement de forces Onusiennes pour s’interposer entre les combattants, car leur mission serait trop difficile à accomplir si par miracle elle était acceptée par tous les membres du conseil de sécurité.

Mais en premier lieu il faut exiger des dirigeants des grandes puissances qu’ils abandonnent la langue de bois d’une position équilibrée.

mardi 3 juin 2014

On rebat les cartes de France pour la bataille



Dans une précipitation à laquelle il ne nous avait pas habitués, notre Président de la République a annoncé un redécoupage régional faisant diminuer de 24 à 14 le nombre des régions françaises. Cette refonte, présentée comme un acte de courage puisqu’elle a été beaucoup évoquée et jamais réalisée, aurait pour but de consommer le fameux mille-feuilles administratif que constitue notre organisation territoriale.

Les objectifs affichés de cette première étape sont les économies et une meilleure adaptation au sein de l’UE aux dimensions des régions des autres pays (c’est-à-dire aux länder allemands). L’étape suivante étant la suppression des départements. 

Pour ce qui est des économies, sauf peut-être sur les indemnités des élus et quelques permanents de cabinets, il y a fort à craindre qu’elles soient anecdotiques. En revanche, le dimensionnement à l’image de nos voisins européens s’inscrit parfaitement dans une perspective d’Europe fédérale, qui ne fait pas l’unanimité dans nos pays (voir le résultat des dernières élections européennes).

Il est vrai que de décentralisation en rapprochement des citoyens de leur administration, nous sommes parvenus à un sommet de complexité que nous dénoncions dans un billet de 2012 intitulé « à quoi servent les syndicats ».

Les réactions aux propositions présidentielles de redécoupage régional constituent une illustration de ce qu’en France, il est toujours possible d’ajouter, mais il est impossible de supprimer sans provoquer de levée de boucliers. Il faut dire quand même qu’on cherche en vain la logique de certains choix de regroupement ou de non regroupement.

Pourtant, dans le concert de protestations, on entend peu ce qui devrait être au centre du débat : quelles compétences pour les collectivités qui subsisteront si cette réforme se réalise ? En effet, une des difficultés majeure du fonctionnement d’aujourd’hui est la concurrence de fait entre région, département, métropole, etc. qui freine les projets de développement, en attente d’accord général sur la nature et la répartition du financement par collectivité. Si chacun avait son domaine de compétences exclusives, le problème serait différent.

Les réformes précédentes ont donné un rôle important aux communautés de communes, qui répondent à un besoin de mise en commun de moyens pour répondre à des besoins locaux. D’abord constituées sur la base du volontariat, ces regroupements sont de plus en plus imposés et dans la perspective de la suppression des départements, elles devront compter au moins 20 000 habitants au lieu de 5000 aujourd’hui. Cette contrainte change la nature même des collectivités territoriales, en particulier dans les zones rurales faiblement peuplées.

Il semble que le département, symbole d’une certaine égalité des territoires dans l’accès à certains services d’Etat, soit la principale victime des propositions présidentielles. Ce choix peut se comprendre dans les zones métropolitaines, qui sont au total assez peu nombreuses (une douzaine tout au plus), mais il va dans le sens d’un accroissement des inégalités entre les territoires sub-départementaux, trop éloignés des centres de décision des nouvelles régions.

A tout ceci se superpose une interrogation sur le rapport entre ce qui relève de l’expression démocratique locale et ce qui est du ressort de l’Etat et des services rendus localement aux citoyens. Cette question était réglée dans la répartition des rôles entre conseil général et préfecture. Dans le projet, ce lieu de rapprochement disparaît.

Si nous avions rendu une telle copie à nos professeurs jadis, nous n’aurions pas été surpris d’obtenir une appréciation du genre « des idées, mais devoir brouillon et mal argumenté ».

dimanche 25 mai 2014

L'abstraction européenne



Qu’est-ce donc que l’Europe ? D’abord un tout petit continent dont on a quelque mal à définir les limites géographiques (sans parler de frontières). Un lieu de passage pour les envahisseurs et un terrain d’affrontement des peuplades qui le composent durant l’essentiel de son histoire.

Depuis la seconde guerre mondiale, le souhait des peuples d’en finir avec des conflits meurtriers et l’intérêt des possédants, qui avaient besoin d’élargir leur marché, ont convergé pour faire de l’Europe une abstraction, un fantasme de zone de paix et de prospérité. On en arrive même à oublier la géographie et à désigner par le vocable Europe ce qui est aujourd’hui l’Union Européenne.

Longtemps, le discours enthousiasmant sur la perspective d’une Europe protectrice des faibles, initiatrice d’un développement rapide dans des pays qui avaient souffert de régimes dictatoriaux et réactionnaires a suffi à masquer la réalité de ce que les forces de l’argent, qui ne connaissent pas de frontières, mettaient en place avec (ou sans ?) la complicité des gouvernements en place dans les pays qui composaient la CEE puis l’UE.

Et puis la crise, qui touche cycliquement les zones où se développe le capitalisme, s’est abattue sur notre Europe, comme ailleurs. Mais elle a sévi plus longtemps et plus fort sur des économies qui jusque là s’étaient satisfaites d’un gouvernement de fait par des structures non élues qui ont reçu le pouvoir dont se sont dessaisis les Etats qui la composent.

Alors nombre de peuples se sont rendus compte qu’ils avaient été aveuglés par les faux espoirs des promoteurs de l’ « Idée Européenne ». Ils ont donc refusé d’aller plus loin dans la mécanique qui donnait définitivement le pouvoir à l’argent. C’était en 2005, et le traité constitutionnel était assez nettement rejeté par les Hollandais et les Français.

Que croyez vous qu’il advint ? Le traité renvoyé par la porte du référendum, l’essentiel de son contenu revenait par la fenêtre du Traité de Lisbonne, consommant la cocufication des peuples. L’amplification de la crise et ses effets dévastateurs sur les nations du Sud du continent ont montré le bien fondé du rejet du contenu du fameux Traité.

Mais voici qu’arrivent les élections au Parlement européen et les partis de gouvernement chantent à l’unisson des eurolâtres béats les louanges de l’Europe de paix et de prospérité. Ce faisant, ils ouvrent grand la porte des suffrages à ceux qui proposent une critique radicale de l’Union Européenne avec des arrière pensées pas toujours reluisantes. Les gouvernements, aidés de certains lobbies et des télévisions nationales, nous pressent d’aller voter pour ce qu’ils présentent comme un scrutin déterminant pour notre avenir.

Parions que rien ne va changer avec le renouvellement d’une assemblée sans pouvoir où brillent les seconds couteaux de la politique nationale sans que leur éclat ne parvienne à nous éblouir. 

La belle abstraction européenne fera quand même l’objet d’une belle abstention citoyenne. Le peuple abusé ne voulant absolument pas absorber le discours abrutissant des ses élites.