lundi 31 mars 2014

Et la démocratie, dans tout ça ?



Cette élection municipale aura constitué une caricature de ce qu’est devenue la démocratie française. Il s’agit moins d’un changement fondamental de comportement des électeurs que d’une étape supplémentaire franchie dans l’incompréhension entre le peuple et ses élites.

Les caractéristiques de ce dernier épisode sont, comme n’ont pas manqué de le constater les sinistres analystes politiques du PAF, l’accroissement de l’abstention, la perte d’inhibition par rapport au vote pour l’extrême droite (fut-elle blonde et maquillée), et la réponse à la question qui n’est pas posée (dans notre cas, on oublie la problématique communale pour parler de politique nationale).

Plusieurs dichotomies coexistent dans notre beau paysage national. D’abord celle qui distingue le peuple de ses élites, puis celle qui oppose les discours et la réalité de l’action, et enfin celle qui sépare ceux qui souffrent et ceux s’en tirent globalement. 

Sur le plan strictement politique, nous conservons la représentation binaire issue de la Révolution avec les notions de Droite et de Gauche. C’est peut-être là que se situe l’origine du hiatus qui conduit à la séparation entre discours et action politique.

La réalité, observée depuis le milieu des années 70, est à de très brèves exceptions près, le ressenti d’une même politique menée par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis lors. Et si ce ressenti ne correspond pas vraiment à la réalité, il rend compte de la commune acceptation par les partis dits de gouvernement, des contraintes que font peser sur notre pays les options fondamentales de l’Europe telle qu’elle a été construite par ses pionniers et verrouillée au tournant des années 90 avec le traité de Maastricht.

Cette nouvelle Europe, qui pouvait faire rêver à ses débuts d’un espace de paix et de coopération, ne fait plus rêver personne, si ce n’est ceux qui y voient un moyen de déléguer définitivement notre capacité de décision à une superstructure qui n’a rien à craindre de la colère des citoyens. Pire, elle constitue aujourd’hui le meilleur marchepied aux partis nationalistes xénophobes de tout poil, qui ont beau jeu de rejeter sur elle, pas toujours à tort, les difficultés que rencontrent les populations les plus fragiles.

Et c’est là que l’on retrouve la correspondance entre d’un côté ceux qui souffrent et perçoivent l’Europe comme un outil d’oppression, et de l’autre ceux qui s’en tirent et qui peuvent continuer de rêver à la Grande Europe qui aura dépassé les querelles qui l’ont vue être le foyer des grandes guerres mondiales.

Alors, que va-t-on faire des discours de soirée électorale, comme nous avons pu en entendre le 30 mars, qui évoquaient la nécessité de repenser l’Union Européenne pour prendre en compte une réalité extrêmement diverse aux plans économique, social et politique. Ces discours provenaient autant de la droite que de la gauche, mais combien de temps vont-ils résonner encore ? Gageons qu’ils vont être remisés au magasin des souvenirs dès l’approche des prochaines élections européennes et que seuls les partis ultra-nationalistes les reprendront caricaturalement à leur compte. D’autres petites formations, le plus souvent inaudibles et satellisées autour des partis de gouvernement, feront la bonne analyse mais elle ne touchera pas ceux qui sont le plus concernés et qui subissent le matraquage de la pensée dominante et ne trouvent de solution que dans l’excès pour se faire entendre.

Ce fonctionnement de la démocratie a un goût de décadence qui n’incite pas à l’optimisme.