Cette élection municipale aura constitué une
caricature de ce qu’est devenue la démocratie française. Il s’agit moins d’un
changement fondamental de comportement des électeurs que d’une étape
supplémentaire franchie dans l’incompréhension entre le peuple et ses élites.
Les caractéristiques de ce dernier épisode sont,
comme n’ont pas manqué de le constater les sinistres analystes politiques du
PAF, l’accroissement de l’abstention, la perte d’inhibition par rapport au vote
pour l’extrême droite (fut-elle blonde et maquillée), et la réponse à la
question qui n’est pas posée (dans notre cas, on oublie la problématique
communale pour parler de politique nationale).
Plusieurs dichotomies coexistent dans notre beau
paysage national. D’abord celle qui distingue le peuple de ses élites, puis
celle qui oppose les discours et la réalité de l’action, et enfin celle qui
sépare ceux qui souffrent et ceux s’en tirent globalement.
Sur le plan strictement politique, nous conservons
la représentation binaire issue de la Révolution avec les notions de Droite et
de Gauche. C’est peut-être là que se situe l’origine du hiatus qui conduit à la
séparation entre discours et action politique.
La réalité, observée depuis le milieu des années 70,
est à de très brèves exceptions près, le ressenti d’une même politique menée
par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis lors. Et si ce
ressenti ne correspond pas vraiment à la réalité, il rend compte de la commune
acceptation par les partis dits de gouvernement, des contraintes que font peser
sur notre pays les options fondamentales de l’Europe telle qu’elle a été
construite par ses pionniers et verrouillée au tournant des années 90 avec le
traité de Maastricht.
Cette nouvelle Europe, qui pouvait faire rêver à ses
débuts d’un espace de paix et de coopération, ne fait plus rêver personne, si
ce n’est ceux qui y voient un moyen de déléguer définitivement notre capacité
de décision à une superstructure qui n’a rien à craindre de la colère des
citoyens. Pire, elle constitue aujourd’hui le meilleur marchepied aux partis
nationalistes xénophobes de tout poil, qui ont beau jeu de rejeter sur elle,
pas toujours à tort, les difficultés que rencontrent les populations les plus
fragiles.
Et c’est là que l’on retrouve la correspondance
entre d’un côté ceux qui souffrent et perçoivent l’Europe comme un outil d’oppression,
et de l’autre ceux qui s’en tirent et qui peuvent continuer de rêver à la
Grande Europe qui aura dépassé les querelles qui l’ont vue être le foyer des
grandes guerres mondiales.
Alors, que va-t-on faire des discours de soirée
électorale, comme nous avons pu en entendre le 30 mars, qui évoquaient la
nécessité de repenser l’Union Européenne pour prendre en compte une réalité
extrêmement diverse aux plans économique, social et politique. Ces discours
provenaient autant de la droite que de la gauche, mais combien de temps
vont-ils résonner encore ? Gageons qu’ils vont être remisés au magasin des
souvenirs dès l’approche des prochaines élections européennes et que seuls les
partis ultra-nationalistes les reprendront caricaturalement à leur compte. D’autres
petites formations, le plus souvent inaudibles et satellisées autour des partis
de gouvernement, feront la bonne analyse mais elle ne touchera pas ceux qui
sont le plus concernés et qui subissent le matraquage de la pensée dominante et
ne trouvent de solution que dans l’excès pour se faire entendre.
Ce fonctionnement de la démocratie a un goût de
décadence qui n’incite pas à l’optimisme.