mardi 3 juin 2014

On rebat les cartes de France pour la bataille



Dans une précipitation à laquelle il ne nous avait pas habitués, notre Président de la République a annoncé un redécoupage régional faisant diminuer de 24 à 14 le nombre des régions françaises. Cette refonte, présentée comme un acte de courage puisqu’elle a été beaucoup évoquée et jamais réalisée, aurait pour but de consommer le fameux mille-feuilles administratif que constitue notre organisation territoriale.

Les objectifs affichés de cette première étape sont les économies et une meilleure adaptation au sein de l’UE aux dimensions des régions des autres pays (c’est-à-dire aux länder allemands). L’étape suivante étant la suppression des départements. 

Pour ce qui est des économies, sauf peut-être sur les indemnités des élus et quelques permanents de cabinets, il y a fort à craindre qu’elles soient anecdotiques. En revanche, le dimensionnement à l’image de nos voisins européens s’inscrit parfaitement dans une perspective d’Europe fédérale, qui ne fait pas l’unanimité dans nos pays (voir le résultat des dernières élections européennes).

Il est vrai que de décentralisation en rapprochement des citoyens de leur administration, nous sommes parvenus à un sommet de complexité que nous dénoncions dans un billet de 2012 intitulé « à quoi servent les syndicats ».

Les réactions aux propositions présidentielles de redécoupage régional constituent une illustration de ce qu’en France, il est toujours possible d’ajouter, mais il est impossible de supprimer sans provoquer de levée de boucliers. Il faut dire quand même qu’on cherche en vain la logique de certains choix de regroupement ou de non regroupement.

Pourtant, dans le concert de protestations, on entend peu ce qui devrait être au centre du débat : quelles compétences pour les collectivités qui subsisteront si cette réforme se réalise ? En effet, une des difficultés majeure du fonctionnement d’aujourd’hui est la concurrence de fait entre région, département, métropole, etc. qui freine les projets de développement, en attente d’accord général sur la nature et la répartition du financement par collectivité. Si chacun avait son domaine de compétences exclusives, le problème serait différent.

Les réformes précédentes ont donné un rôle important aux communautés de communes, qui répondent à un besoin de mise en commun de moyens pour répondre à des besoins locaux. D’abord constituées sur la base du volontariat, ces regroupements sont de plus en plus imposés et dans la perspective de la suppression des départements, elles devront compter au moins 20 000 habitants au lieu de 5000 aujourd’hui. Cette contrainte change la nature même des collectivités territoriales, en particulier dans les zones rurales faiblement peuplées.

Il semble que le département, symbole d’une certaine égalité des territoires dans l’accès à certains services d’Etat, soit la principale victime des propositions présidentielles. Ce choix peut se comprendre dans les zones métropolitaines, qui sont au total assez peu nombreuses (une douzaine tout au plus), mais il va dans le sens d’un accroissement des inégalités entre les territoires sub-départementaux, trop éloignés des centres de décision des nouvelles régions.

A tout ceci se superpose une interrogation sur le rapport entre ce qui relève de l’expression démocratique locale et ce qui est du ressort de l’Etat et des services rendus localement aux citoyens. Cette question était réglée dans la répartition des rôles entre conseil général et préfecture. Dans le projet, ce lieu de rapprochement disparaît.

Si nous avions rendu une telle copie à nos professeurs jadis, nous n’aurions pas été surpris d’obtenir une appréciation du genre « des idées, mais devoir brouillon et mal argumenté ».