Dans une précipitation à laquelle il ne nous avait
pas habitués, notre Président de la République a annoncé un redécoupage
régional faisant diminuer de 24 à 14 le nombre des régions françaises. Cette
refonte, présentée comme un acte de courage puisqu’elle a été beaucoup évoquée
et jamais réalisée, aurait pour but de consommer le fameux mille-feuilles
administratif que constitue notre organisation territoriale.
Les objectifs affichés de cette première étape sont
les économies et une meilleure adaptation au sein de l’UE aux dimensions des
régions des autres pays (c’est-à-dire aux länder allemands). L’étape suivante
étant la suppression des départements.
Pour ce qui est des économies, sauf peut-être sur
les indemnités des élus et quelques permanents de cabinets, il y a fort à
craindre qu’elles soient anecdotiques. En revanche, le dimensionnement à
l’image de nos voisins européens s’inscrit parfaitement dans une perspective
d’Europe fédérale, qui ne fait pas l’unanimité dans nos pays (voir le résultat
des dernières élections européennes).
Il est vrai que de décentralisation en rapprochement
des citoyens de leur administration, nous sommes parvenus à un sommet de
complexité que nous dénoncions dans un billet de 2012 intitulé « à
quoi servent les syndicats ».
Les réactions aux propositions présidentielles de redécoupage
régional constituent une illustration de ce qu’en France, il est toujours
possible d’ajouter, mais il est impossible de supprimer sans provoquer de levée
de boucliers. Il faut dire quand même qu’on cherche en vain la logique de
certains choix de regroupement ou de non regroupement.
Pourtant, dans le concert de protestations, on
entend peu ce qui devrait être au centre du débat : quelles compétences
pour les collectivités qui subsisteront si cette réforme se réalise ? En
effet, une des difficultés majeure du fonctionnement d’aujourd’hui est la
concurrence de fait entre région, département, métropole, etc. qui freine les
projets de développement, en attente d’accord général sur la nature et la
répartition du financement par collectivité. Si chacun avait son domaine de
compétences exclusives, le problème serait différent.
Les réformes précédentes ont donné un rôle important
aux communautés de communes, qui répondent à un besoin de mise en commun de
moyens pour répondre à des besoins locaux. D’abord constituées sur la base du
volontariat, ces regroupements sont de plus en plus imposés et dans la
perspective de la suppression des départements, elles devront compter au moins
20 000 habitants au lieu de 5000 aujourd’hui. Cette contrainte change la
nature même des collectivités territoriales, en particulier dans les zones
rurales faiblement peuplées.
Il semble que le département, symbole d’une certaine
égalité des territoires dans l’accès à certains services d’Etat, soit la
principale victime des propositions présidentielles. Ce choix peut se
comprendre dans les zones métropolitaines, qui sont au total assez peu
nombreuses (une douzaine tout au plus), mais il va dans le sens d’un
accroissement des inégalités entre les territoires sub-départementaux, trop
éloignés des centres de décision des nouvelles régions.
A tout ceci se superpose une interrogation sur le
rapport entre ce qui relève de l’expression démocratique locale et ce qui est
du ressort de l’Etat et des services rendus localement aux citoyens. Cette
question était réglée dans la répartition des rôles entre conseil général et
préfecture. Dans le projet, ce lieu de rapprochement disparaît.
Si nous avions rendu une telle copie à nos
professeurs jadis, nous n’aurions pas été surpris d’obtenir une appréciation du
genre « des idées, mais devoir brouillon et mal argumenté ».