Nous
voilà donc avec un résultat global du premier tour des élections régionales qui
n’aura surpris que les porteurs de lunettes en carton.
L’attitude
martiale et les mesures policières prises par nos autorités n’auront pas suffi
à l’électorat pour changer sa représentation de la classe politique au pouvoir
depuis presque cinquante ans, incapable de prendre en compte ses aspirations,
si ce n’est dans de grands discours pré-électoraux. Devant cette impression
d’abandon, il se tourne vers ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de se
salir les mains, si ce n’est dans des collectivités locales, et avec le
résultat que l’on sait sur la culture et les services publics.
Alors,
une attitude un peu condescendante et christique consisterait à dire :
« pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! ».
Choisissons plutôt de les respecter en leur disant : « électeurs du
Front National qui n’êtes pas d’anciens OAS, d’anciens collabos ou nazillons
divers, vous êtes des cons ! Vous croyez être des révolutionnaires et vous
n’êtes que des trouillards qui se cachent dans l’isoloir pour qu’on ne les voie
pas trembler. Vous êtes des racistes de seconde main, qui cherchent dans
l’autre un bouc émissaire à tous vos malheurs, qui ne sont souvent que le
résultat de vos renoncements successifs. ».
Ceci
étant dit, la petite cuisine politicienne des partis dits de gouvernement, que
l’on voit mijoter avant et après les élections ne peut pas avoir pour effet de
mobiliser les consciences citoyennes. Ces dernières étaient d’ailleurs quelque
peu anesthésiées par le traitement que l’on a constaté du résultat du
référendum de 2005, lequel suivait une période de débat qui avait mobilisé de nombreux
citoyens.
Faudra-t-il
faire l’expérience d’un pouvoir FN pour que tous ceux qui s’en servent
aujourd’hui pour crier leur désarroi prennent conscience de l’impasse qu’il
représenterait ? La perte de temps qui en résulterait serait préjudiciable
à notre pays pour longtemps, à l’intérieur et à l’extérieur. Il faut dès
maintenant s’interroger sur ce que le FN, parti nouvellement rallié à la
République, entend par les termes de liberté, d’égalité et de fraternité. On
voit très vite les limites du concept de fraternité dans les propositions de ce
parti : fraternité entre français de souche et rejet de l’immigré, quelle
que soit la raison de son immigration ; liberté surveillée par des
ribambelles de caméras de surveillance et des policiers municipaux armés ;
enfin égalité de traitement des associations culturelles auxquelles les
subventions sont supprimées.
Quant au
constat fait par ce parti sur les méfaits d’une construction européenne
libérale, d’une monnaie unique dévastatrice pour notre industrie, de la
souffrance réelle des jeunes sans emploi, etc. il est malheureusement en grande
partie exact et ne doit pas être jeté avec l’eau de la marinade. C’est aux
partis de gouvernement de l’entendre avant de se faire sortir du pouvoir. Crier
« au loup ! » ne suffit pas. Une révision en profondeur de la
politique menée depuis 1983 s’impose. Certains, à gauche, le disent depuis
longtemps. Peut-être faudrait-il les écouter avant qu’il ne soit trop tard.