Depuis
1992 et le traité de Maastricht, nous assistions en Europe à la disparition
progressive de la politique au profit de la technocratie libérale médiatisée.
Les principaux symptômes de l’évolution de cette maladie sont le caractère
largement interchangeable des politiques conduites dans les grands pays
d’Europe par les partis de pouvoir et le déni de démocratie que constitua le
traité de Lisbonne, signé après le rejet franc par le peuple français du traité
constitutionnel en 2005, et qui en contient l’essentiel des dispositions.
En 2005,
à la suite d’un débat national intense sur le terrain, mais menacé par le
rouleau compresseur des médias quasi unanimement favorables au « oui »,
la victoire nette du « non » a marqué ce que l’on pensait être le
retour de la politique dans le débat sur l’avenir de l’Union Européenne.
Pourtant, les médias et les partis de gouvernement n’ont pas manqué de
discréditer un vote qui n’aurait été, selon eux, que l’expression d’un
mécontentement multiforme ne remettant pas en cause le modèle libéral de la
construction européenne et rassemblant extrême droite, extrême gauche et
protestataires de tout poil.
Peu à
peu on aurait pu croire que les peuples européens, malgré les sacrifices que
certains ont dû faire pour rester dans la zone euro, acceptaient le caractère
inéluctable d’une loi (la concurrence libre et non faussée et l’orthodoxie budgétaire)
qui surplombe nos dirigeants démocratiquement choisis et qui prédétermine leur
action dans les domaines les plus importants, comme le vote du budget et la
maîtrise de la masse monétaire.
Cette
loi, qui ne fait qu’accentuer les écarts de compétitivité entre les nations
européennes, a conduit au creusement des inégalités et la paupérisation massive
des couches les plus fragiles de nos sociétés. Ce que l’on ne nomme jamais
austérité, mais plutôt rigueur budgétaire et limitation de la dette, a conduit
à un rejet de plus en plus fort de la notion même d’Europe politique.
Les
nations du Sud sont celles qui, du fait de leur culture et de la faiblesse de
leur système industriel, souffrent le plus de ce déséquilibre. Ce n’est donc
pas un hasard si certains mouvements non issus des partis traditionnels, comme
Podemos ou Syriza ont rapidement prospéré dans nos contrées méridionales.
La
victoire de Syriza, malgré toute la pression mise sur les grecs par les
dirigeants européens durant la campagne électorale, a marqué un changement
décisif d’attitude face à l’austérité imposée aux pauvres pour rembourser une
dette qui ne les concerne pas. On pouvait craindre cependant qu’à l’instar de certains
dirigeants socio-démocrates, le nouveau gouvernement ne finisse par se coucher
et accepter de nouveaux sacrifices pour son peuple.
Le
gouvernement grec a respecté ses promesses électorales et s’est attablé à des
négociations avec la troïka ou ses avatars avec l’intention de relancer la
machine économique grecque pour rendre au pays les moyens de son autonomie,
tout en faisant les réformes nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les
régimes fiscaux trop favorables aux très riches, voire l’évasion fiscale
massive.
Le
référendum organisé et largement gagné par Alexis Tsipras contre le plan d’aide
à la Grèce et ses contreparties inacceptables met cette fois avec force le
politique au devant de la scène. Il participe à la remise en cause du caractère
inéluctable de la priorité au remboursement de la dette, qui a montré qu’elle
conduisait à la récession dans tous les pays sans espoir de voir un jour le
bout du tunnel de l’austérité.
Les
grecs ont montré qu’il était possible de refuser que les technocrates libéraux
de Bruxelles n’imposent un gouvernement de techniciens bien pensants à un
peuple, comme ils l’ont fait en Italie et en Grèce précédemment. Ils redonnent
l’espoir dans un changement radical de mode de construction européenne, pourvu
que les autres peuples qui souffrent prennent conscience de la force de la
démocratie.
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