lundi 6 juillet 2015

Avec la Grèce, le retour du politique



Depuis 1992 et le traité de Maastricht, nous assistions en Europe à la disparition progressive de la politique au profit de la technocratie libérale médiatisée. Les principaux symptômes de l’évolution de cette maladie sont le caractère largement interchangeable des politiques conduites dans les grands pays d’Europe par les partis de pouvoir et le déni de démocratie que constitua le traité de Lisbonne, signé après le rejet franc par le peuple français du traité constitutionnel en 2005, et qui en contient l’essentiel des dispositions.

En 2005, à la suite d’un débat national intense sur le terrain, mais menacé par le rouleau compresseur des médias quasi unanimement favorables au « oui », la victoire nette du « non » a marqué ce que l’on pensait être le retour de la politique dans le débat sur l’avenir de l’Union Européenne. Pourtant, les médias et les partis de gouvernement n’ont pas manqué de discréditer un vote qui n’aurait été, selon eux, que l’expression d’un mécontentement multiforme ne remettant pas en cause le modèle libéral de la construction européenne et rassemblant extrême droite, extrême gauche et protestataires de tout poil.

Peu à peu on aurait pu croire que les peuples européens, malgré les sacrifices que certains ont dû faire pour rester dans la zone euro, acceptaient le caractère inéluctable d’une loi (la concurrence libre et non faussée et l’orthodoxie budgétaire) qui surplombe nos dirigeants démocratiquement choisis et qui prédétermine leur action dans les domaines les plus importants, comme le vote du budget et la maîtrise de la masse monétaire.
Cette loi, qui ne fait qu’accentuer les écarts de compétitivité entre les nations européennes, a conduit au creusement des inégalités et la paupérisation massive des couches les plus fragiles de nos sociétés. Ce que l’on ne nomme jamais austérité, mais plutôt rigueur budgétaire et limitation de la dette, a conduit à un rejet de plus en plus fort de la notion même d’Europe politique.

Les nations du Sud sont celles qui, du fait de leur culture et de la faiblesse de leur système industriel, souffrent le plus de ce déséquilibre. Ce n’est donc pas un hasard si certains mouvements non issus des partis traditionnels, comme Podemos ou Syriza ont rapidement prospéré dans nos contrées méridionales. 

La victoire de Syriza, malgré toute la pression mise sur les grecs par les dirigeants européens durant la campagne électorale, a marqué un changement décisif d’attitude face à l’austérité imposée aux pauvres pour rembourser une dette qui ne les concerne pas. On pouvait craindre cependant qu’à l’instar de certains dirigeants socio-démocrates, le nouveau gouvernement ne finisse par se coucher et accepter de nouveaux sacrifices pour son peuple.

Le gouvernement grec a respecté ses promesses électorales et s’est attablé à des négociations avec la troïka ou ses avatars avec l’intention de relancer la machine économique grecque pour rendre au pays les moyens de son autonomie, tout en faisant les réformes nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les régimes fiscaux trop favorables aux très riches, voire l’évasion fiscale massive.

Le référendum organisé et largement gagné par Alexis Tsipras contre le plan d’aide à la Grèce et ses contreparties inacceptables met cette fois avec force le politique au devant de la scène. Il participe à la remise en cause du caractère inéluctable de la priorité au remboursement de la dette, qui a montré qu’elle conduisait à la récession dans tous les pays sans espoir de voir un jour le bout du tunnel de l’austérité.

Les grecs ont montré qu’il était possible de refuser que les technocrates libéraux de Bruxelles n’imposent un gouvernement de techniciens bien pensants à un peuple, comme ils l’ont fait en Italie et en Grèce précédemment. Ils redonnent l’espoir dans un changement radical de mode de construction européenne, pourvu que les autres peuples qui souffrent prennent conscience de la force de la démocratie.

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