jeudi 26 juillet 2012

C’est quoi la France ?


A l’occasion de l’anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, le président de la république François Hollande a, dans la continuité d’un discours de son prédécesseur  Jacques Chirac, répété que cet épisode détestable de notre histoire récente avait été fait par la France contre des français. Il n’existe heureusement pas en France un courant révisionniste qui voudrait nier l’évidence du traitement inhumain, voire génocidaire, qui a été fait aux juifs durant la dernière guerre mondiale. 
Cependant, il est légitime de s’interroger sur l’emploi du terme « la France » pour désigner le coupable de ces faits horribles et honteux.

Cette interrogation est d’autant plus légitime que le premier président de la cinquième république ne s’est jamais prononcé en ces termes (ni ses successeurs, hormis les deux déjà cités).

La France ne se définit pas par le tracé de ses frontières, ni par les gouvernements qui se sont succédés à sa tête depuis la révolution française. Elle est un concept transcendant qui depuis lors est indissolublement associé au triptyque qui figure sur le fronton de nos monuments « liberté, égalité, fraternité ». C’est pour cela que les français nouvellement libérés de la monarchie se sont battus à Valmy et c’est ce désir qui leur a donné la force de vaincre. La France c’est le concept qui constitue la nation française.

Elle ne se définit pas non plus par la couleur, l’accent ou la religion de ses habitants, mais par ses citoyens. Parmi eux, il y aura toujours à cause de la dure loi des statistiques, des salauds, des lâches, des racistes, des voleurs, des criminels, mais aussi des gens bien, des courageux, des altruistes. 

Ce sont les circonstances historiques qui permettent souvent de découvrir exacerbée, la réalité profonde de chacun d’entre nous.

La dernière guerre mondiale n’a pas manqué de libérer chez nous, à la suite du mouvement qui a vu l’avènement du nazisme chez nos voisins, les plus bas instincts de certains, qui ont profité du désarroi de la défaite pour instaurer un régime fasciste, raciste et à la botte de l’occupant. Les rouages de l’état sont demeurés et ont été utilisés par ce régime pour mettre en œuvre sa politique. Au sein de cet état, toujours à cause des statistiques, nombreux sont ceux qui n’ont pas accepté les ordres donnés et qui ont fait ce qu’ils ont pu pour en limiter les dégâts. Nombreux aussi sont ceux qui ont obéi aux ordres en fermant les yeux sur les abominations dont ils étaient un instrument.

Dès la mise en place du régime, certains ont compris que la France ne pouvait pas être celle qui acceptait le joug nazi et qui transformait le triptyque « liberté, égalité, fraternité » par « travail, famille, patrie ». Ils sont partis pour rendre à la France sa liberté et ont fini par l’obtenir au prix de sacrifices énormes. Cette France existait toujours lorsque le général de Gaulle lui a donné une représentation et une raison d’espérer. Si elle n’avait pas existé, les gesticulations londoniennes du chef de la France libre n’auraient eu aucun écho.
Malgré sa faiblesse de fait, elle a réussi, grâce à son incarnation dans son chef, à préserver son intégrité lorsque ses alliés ont envisagé de la dépouiller lorsque la victoire se profilait. Elle a réussi à garder une voix forte dans le concert des nations. Ce ne sont pas ses forces armées qui lui ont permis cela, mais la force de l’universalité des valeurs qu’elle porte et, j’espère, portera toujours.

Ce n’est donc pas la France, mais le régime fasciste, défaitiste et raciste qui s’est rendu coupable de la rafle du Vel d’Hiv. La France, par définition, ne pouvait commettre de telles exactions. Les deux présidents qui ont fait acte de repentance au nom de la France n’en avaient pas le droit et ont été mal inspirés. Ils ont permis que s’établisse chez les français une image de la France qui n’est pas conforme à sa réalité et ont participé malheureusement à l’affaiblissement de celle-ci en croyant la grandir.