A l’occasion de l’anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv,
le président de la république François Hollande a, dans la continuité d’un discours de son prédécesseur
Jacques Chirac, répété que cet épisode
détestable de notre histoire récente avait été fait par la France contre des
français. Il n’existe heureusement pas en France un courant révisionniste qui
voudrait nier l’évidence du traitement inhumain, voire génocidaire, qui a été
fait aux juifs durant la dernière guerre mondiale.
Cependant, il est légitime
de s’interroger sur l’emploi du terme « la France » pour désigner le
coupable de ces faits horribles et honteux.
Cette interrogation est d’autant plus légitime que
le premier président de la cinquième république ne s’est jamais prononcé en ces
termes (ni ses successeurs, hormis les deux déjà cités).
La France ne se définit pas par le tracé de ses
frontières, ni par les gouvernements qui se sont succédés à sa tête depuis la
révolution française. Elle est un concept transcendant qui depuis lors est
indissolublement associé au triptyque qui figure sur le fronton de nos
monuments « liberté, égalité, fraternité ». C’est pour cela que les
français nouvellement libérés de la monarchie se sont battus à Valmy et c’est
ce désir qui leur a donné la force de vaincre. La France c’est le concept qui
constitue la nation française.
Elle ne se définit pas non plus par la couleur, l’accent
ou la religion de ses habitants, mais par ses citoyens. Parmi eux, il y aura
toujours à cause de la dure loi des statistiques, des salauds, des lâches, des
racistes, des voleurs, des criminels, mais aussi des gens bien, des courageux,
des altruistes.
Ce sont les circonstances historiques qui permettent
souvent de découvrir exacerbée, la réalité profonde de chacun d’entre nous.
La dernière guerre mondiale n’a pas manqué de
libérer chez nous, à la suite du mouvement qui a vu l’avènement du nazisme chez
nos voisins, les plus bas instincts de certains, qui ont profité du désarroi de
la défaite pour instaurer un régime fasciste, raciste et à la botte de l’occupant.
Les rouages de l’état sont demeurés et ont été utilisés par ce régime pour
mettre en œuvre sa politique. Au sein de cet état, toujours à cause des
statistiques, nombreux sont ceux qui n’ont pas accepté les ordres donnés et qui
ont fait ce qu’ils ont pu pour en limiter les dégâts. Nombreux aussi sont ceux
qui ont obéi aux ordres en fermant les yeux sur les abominations dont ils
étaient un instrument.
Dès la mise en place du régime, certains ont compris
que la France ne pouvait pas être celle qui acceptait le joug nazi et qui
transformait le triptyque « liberté, égalité, fraternité » par « travail,
famille, patrie ». Ils sont partis pour rendre à la France sa liberté et
ont fini par l’obtenir au prix de sacrifices énormes. Cette France existait
toujours lorsque le général de Gaulle lui a donné une représentation et une
raison d’espérer. Si elle n’avait pas existé, les gesticulations londoniennes du
chef de la France libre n’auraient eu aucun écho.
Malgré sa faiblesse de fait, elle a réussi, grâce à
son incarnation dans son chef, à préserver son intégrité lorsque ses alliés ont
envisagé de la dépouiller lorsque la victoire se profilait. Elle a réussi à
garder une voix forte dans le concert des nations. Ce ne sont pas ses forces
armées qui lui ont permis cela, mais la force de l’universalité des valeurs qu’elle
porte et, j’espère, portera toujours.
Ce n’est donc pas la France, mais le régime
fasciste, défaitiste et raciste qui s’est rendu coupable de la rafle du Vel d’Hiv.
La France, par définition, ne pouvait commettre de telles exactions. Les deux
présidents qui ont fait acte de repentance au nom de la France n’en avaient pas
le droit et ont été mal inspirés. Ils ont permis que s’établisse chez les
français une image de la France qui n’est pas conforme à sa réalité et ont participé
malheureusement à l’affaiblissement de celle-ci en croyant la grandir.