mardi 15 janvier 2013

L'engagement au Mali : le coeur contre la raison



Ainsi donc les troupes françaises sont désormais engagées au Mali alors qu’elles se désengagent de l’Afghanistan. L’alibi de l’intervention directe est cependant exactement le même : la lutte contre le terrorisme (sous entendu : porté par les extrémistes islamistes).

L’enthousiasme manifesté dans notre langue par les populations du Sud Mali pour cette intervention réjouit le cœur de ceux d’entre nous qui sont engagés depuis longtemps dans l’aide à un pays qui n’a pas été épargné par les malheurs, dont les aléas climatiques ne sont pas les moindres. Un attachement profond à un peuple ami qui parle notre langue (quelle que soit la raison pour laquelle il a adopté celle-ci) s’est créé pour nombre d’entre nous.

Dans la part d’universel portée par la France depuis la révolution, il y a la défense de la liberté. De ce point de vue, la substitution d’une loi religieuse liberticide à la loi établie à partir d’institutions démocratiques est inacceptable et justifie que l’on s’engage contre ceux qui veulent l’imposer par la force.

Autre raison de s’engager auprès d’un Mali à vocation démocratique : la présence de nombreux ressortissants français dans ce pays, qui sont exposés aux sévices des fanatiques.
La plupart des ressortissants français qui sont dans ce pays ne sont pas des humanitaires. Ils sont dans ce pays pour des raisons économiques. Ils sont employés par des entreprises françaises qui trouvent là-bas des matières premières exploitables à un coût raisonnable et leur permettent d’obtenir des bénéfices conséquents. C’est donc également l’intérêt de ces entreprises qui est défendu au travers d’une intervention contre les intégristes religieux. Le cœur n’a pas grand-chose à voir dans cette motivation.

L’histoire récente a cependant montré deux choses qui devraient faire réfléchir les enthousiastes de l’intervention.

On ne gagne pas définitivement une guerre contre des fanatiques religieux. L’Afghanistan en est une illustration édifiante. Les russes, puis une coalition a priori surpuissante de pays emmenée par les Etats-Unis ne parvient pas à imposer un régime « démocratique » capable de faire face aux islamistes. L’action militaire contre eux constitue une motivation supplémentaire qui fait émerger de nouveaux combattants, même lorsqu’ils ont subi des revers militaires importants. Donc, on sait quand commence un engagement, mais on ignore quand interviendra un désengagement honorable.

Par ailleurs, les peuples opprimés finissent par se retourner contre leurs oppresseurs. Le temps de l’oppression peut être plus ou moins long, mais la réaction du peuple finit par être déterminante, même lorsque celui-ci dispose de très faibles moyens pour faire aboutir sa révolte. L’exemple de ce qui a été appelé « printemps arabe » est là encore édifiant.

L’approbation générale de l’intervention française au Mali ne doit donc pas être considérée comme une preuve de sa légitimité et de sa justesse. Autant il est normal de se réjouir du bonheur des populations effrayées jusque là par la progression des islamistes radicaux, qu’elle soit autochtone ou ressortissante de pays étrangers, autant il est vain d’espérer une issue rapide et définitive à l’action militaire engagée.