Ainsi donc les troupes françaises sont désormais
engagées au Mali alors qu’elles se désengagent de l’Afghanistan. L’alibi de
l’intervention directe est cependant exactement le même : la lutte contre
le terrorisme (sous entendu : porté par les extrémistes islamistes).
L’enthousiasme manifesté dans notre langue par les
populations du Sud Mali pour cette intervention réjouit le cœur de ceux d’entre
nous qui sont engagés depuis longtemps dans l’aide à un pays qui n’a pas été
épargné par les malheurs, dont les aléas climatiques ne sont pas les moindres.
Un attachement profond à un peuple ami qui parle notre langue (quelle que soit
la raison pour laquelle il a adopté celle-ci) s’est créé pour nombre d’entre
nous.
Dans la part d’universel portée par la France depuis
la révolution, il y a la défense de la liberté. De ce point de vue, la
substitution d’une loi religieuse liberticide à la loi établie à partir
d’institutions démocratiques est inacceptable et justifie que l’on s’engage
contre ceux qui veulent l’imposer par la force.
Autre raison de s’engager auprès d’un Mali à
vocation démocratique : la présence de nombreux ressortissants français
dans ce pays, qui sont exposés aux sévices des fanatiques.
La plupart des ressortissants français qui sont dans ce
pays ne sont pas des humanitaires. Ils sont dans ce pays pour des raisons
économiques. Ils sont employés par des entreprises françaises qui trouvent
là-bas des matières premières exploitables à un coût raisonnable et leur
permettent d’obtenir des bénéfices conséquents. C’est donc également l’intérêt
de ces entreprises qui est défendu au travers d’une intervention contre les
intégristes religieux. Le cœur n’a pas grand-chose à voir dans cette
motivation.
L’histoire récente a cependant montré deux choses
qui devraient faire réfléchir les enthousiastes de l’intervention.
On ne gagne pas définitivement une guerre contre des
fanatiques religieux. L’Afghanistan en est une illustration édifiante. Les
russes, puis une coalition a priori surpuissante de pays emmenée par les Etats-Unis
ne parvient pas à imposer un régime « démocratique » capable de faire
face aux islamistes. L’action militaire contre eux constitue une motivation
supplémentaire qui fait émerger de nouveaux combattants, même lorsqu’ils ont
subi des revers militaires importants. Donc, on sait quand commence un
engagement, mais on ignore quand interviendra un désengagement honorable.
Par ailleurs, les peuples opprimés finissent par se
retourner contre leurs oppresseurs. Le temps de l’oppression peut être plus ou
moins long, mais la réaction du peuple finit par être déterminante, même
lorsque celui-ci dispose de très faibles moyens pour faire aboutir sa révolte.
L’exemple de ce qui a été appelé « printemps arabe » est là encore
édifiant.
L’approbation générale de l’intervention française
au Mali ne doit donc pas être considérée comme une preuve de sa légitimité et
de sa justesse. Autant il est normal de se réjouir du bonheur des populations
effrayées jusque là par la progression des islamistes radicaux, qu’elle soit
autochtone ou ressortissante de pays étrangers, autant il est vain d’espérer
une issue rapide et définitive à l’action militaire engagée.