Si l’on en croit les médias et les conversations de
café de la gare, la morosité a gagné l’ensemble de la société française :
les riches qui seraient trop imposés, les pauvres qui restent pauvres du fait
du chômage en constante progression et de la faiblesse des salaires, les
classes moyennes qui subissent l’augmentation des taxes, les bretons qui sont
bretons, etc. A quoi s’ajoutent les prestations peu enthousiasmantes de l’équipe
de France de foot, synonymes de privation de l’antidépresseur « coupe du
monde de foot 2014 ».
Alors on souhaite un changement de gouvernement et
on suppute sur les éventuels successeurs du condamné Jean-Marc Ayrault.
Malheureusement, la plupart de nos concitoyens ne posent pas encore le problème
en termes de changement de politique. La preuve en est partiellement dans le
classement des successeurs sur un vote par internet, qui voit arriver en tête Jean-Luc
Mélenchon, synonyme en effet de changement de politique, mais suivi de Martine
Aubry et Manuel Valls. Ces derniers incarnent la continuité d’une politique d’acceptation
de l’Europe libérale et de ses contraintes sur l’économie de notre pays.
François Hollande, malgré ses déclarations de
campagne et ses timides tentatives de début de mandat pour une réorientation de
l’Union Européenne, est rentré dans le rang et ne pourra pas en sortir sans se
renier. Lui et son gouvernement en sont réduits à opérer aux marges en mettant
des pansements sur les plaies ouvertes de la désindustrialisation et du chômage
et en lançant des débats de société en soi utiles et intéressants, mais qui
cachent l’essentiel de la détresse des classes défavorisées.
Pendant ce temps, en édulcorant son propos, le Front
National progresse dans l’opinion et dans les votes aux élections partielles.
Cependant, si l’on examine les raisons du succès de ce dernier auprès de l’électorat,
c’est surtout le discours contre l’Europe libérale qui domine très largement.
Alors ce rejet de la façon de construire et de gérer l’Union Européenne
serait-il d’extrême droite ? C’est ce que voudraient laisser croire les
représentants de la droite et de la gauche de gouvernement pour se dédouaner de
leur responsabilité conjointe dans la situation présente. Même le favori du
sondage évoqué ci-dessus a défendu en son temps le traité de Maastricht,
fondateur de l’Europe libérale à monnaie unique. Il est vrai qu’il a reconnu
son erreur depuis, mais c’est un signe d’incapacité à se projeter dans l’avenir
qui est inquiétant.
Le changement serait d’admettre que la monnaie
unique n’est pas adaptée à la réalité de notre continent et d’en tirer les
conséquences sur l’attitude à adopter, vis-à-vis de l’Allemagne, parmi les
seuls pays à tirer pour le moment bénéfice d’un euro surévalué. Ce serait donc
de rendre aux nations la possibilité de retrouver une marge de manœuvre monétaire
leur permettant de se sortir du trou dans lequel elles se trouvent et qui ne
sera jamais comblé par les contributions des autres nations européennes (voir
la Grèce et ses plans successifs et coûteux de redressement). Ce serait s’adapter
à la réalité sociale économique et culturelle de chaque pays de l’UE en mettant
en place des mécanismes de coopération nouveaux au lieu des sanctions plus ou
moins automatiques contre ceux qui sont déjà dans la difficulté. En un mot ce
serait être pragmatique.
François Hollande est connu pour son pragmatisme et
son art du compromis. Il est temps qu’il les exerce dans le domaine de la
construction européenne en ne craignant pas le débat avec des partenaires de
plus en plus puissants, mais qui en fait dépendent beaucoup plus de nous qu’ils
ne l’imaginent. L’amitié ne doit pas signifier acceptation de la loi du plus
fort économiquement. Il n’y a pas que l’économie pour définir le rayonnement et
la force d’une nation. La France est une grande nation, il serait bon qu’elle n’en
perde pas conscience.