lundi 18 novembre 2013

Le changement, c'est difficile



Si l’on en croit les médias et les conversations de café de la gare, la morosité a gagné l’ensemble de la société française : les riches qui seraient trop imposés, les pauvres qui restent pauvres du fait du chômage en constante progression et de la faiblesse des salaires, les classes moyennes qui subissent l’augmentation des taxes, les bretons qui sont bretons, etc. A quoi s’ajoutent les prestations peu enthousiasmantes de l’équipe de France de foot, synonymes de privation de l’antidépresseur « coupe du monde de foot 2014 ».

Alors on souhaite un changement de gouvernement et on suppute sur les éventuels successeurs du condamné Jean-Marc Ayrault. Malheureusement, la plupart de nos concitoyens ne posent pas encore le problème en termes de changement de politique. La preuve en est partiellement dans le classement des successeurs sur un vote par internet, qui voit arriver en tête Jean-Luc Mélenchon, synonyme en effet de changement de politique, mais suivi de Martine Aubry et Manuel Valls. Ces derniers incarnent la continuité d’une politique d’acceptation de l’Europe libérale et de ses contraintes sur l’économie de notre pays.

François Hollande, malgré ses déclarations de campagne et ses timides tentatives de début de mandat pour une réorientation de l’Union Européenne, est rentré dans le rang et ne pourra pas en sortir sans se renier. Lui et son gouvernement en sont réduits à opérer aux marges en mettant des pansements sur les plaies ouvertes de la désindustrialisation et du chômage et en lançant des débats de société en soi utiles et intéressants, mais qui cachent l’essentiel de la détresse des classes défavorisées.

Pendant ce temps, en édulcorant son propos, le Front National progresse dans l’opinion et dans les votes aux élections partielles. Cependant, si l’on examine les raisons du succès de ce dernier auprès de l’électorat, c’est surtout le discours contre l’Europe libérale qui domine très largement. Alors ce rejet de la façon de construire et de gérer l’Union Européenne serait-il d’extrême droite ? C’est ce que voudraient laisser croire les représentants de la droite et de la gauche de gouvernement pour se dédouaner de leur responsabilité conjointe dans la situation présente. Même le favori du sondage évoqué ci-dessus a défendu en son temps le traité de Maastricht, fondateur de l’Europe libérale à monnaie unique. Il est vrai qu’il a reconnu son erreur depuis, mais c’est un signe d’incapacité à se projeter dans l’avenir qui est inquiétant.

Le changement serait d’admettre que la monnaie unique n’est pas adaptée à la réalité de notre continent et d’en tirer les conséquences sur l’attitude à adopter, vis-à-vis de l’Allemagne, parmi les seuls pays à tirer pour le moment bénéfice d’un euro surévalué. Ce serait donc de rendre aux nations la possibilité de retrouver une marge de manœuvre monétaire leur permettant de se sortir du trou dans lequel elles se trouvent et qui ne sera jamais comblé par les contributions des autres nations européennes (voir la Grèce et ses plans successifs et coûteux de redressement). Ce serait s’adapter à la réalité sociale économique et culturelle de chaque pays de l’UE en mettant en place des mécanismes de coopération nouveaux au lieu des sanctions plus ou moins automatiques contre ceux qui sont déjà dans la difficulté. En un mot ce serait être pragmatique.

François Hollande est connu pour son pragmatisme et son art du compromis. Il est temps qu’il les exerce dans le domaine de la construction européenne en ne craignant pas le débat avec des partenaires de plus en plus puissants, mais qui en fait dépendent beaucoup plus de nous qu’ils ne l’imaginent. L’amitié ne doit pas signifier acceptation de la loi du plus fort économiquement. Il n’y a pas que l’économie pour définir le rayonnement et la force d’une nation. La France est une grande nation, il serait bon qu’elle n’en perde pas conscience.