jeudi 18 février 2016

Quel débat en 2017 ?



L’approche d’une élection présidentielle se mesure de plus en plus en France à une croissance importante de la « littérature » politique, avec des livres programmes, confessions, mémoires etc. plus ou moins écrits par de futurs candidats à cette élection.

L’instauration par les partis qui se partagent le pouvoir depuis longtemps, de primaires, participe de ce mouvement littéraire en contraignant les protagonistes à afficher la particularité de leur démarche qui est censée faire la différence lors de des consultations.

Le problème est qu’il est de plus en plus difficile de différentier dans les actes tous ces futurs candidats considérés comme crédibles par les média. La pénible lecture de leurs pensums pré-électoraux s’avère donc assez stérile, puisque le vrai débat n’est pas entre eux, mais entre les crédibles et les autres.

Ce constat pose la question de la démocratie aujourd’hui, et pas seulement dans notre pays. Formellement, elle a gagné sa place dans la majeure partie de notre monde occidental, mais dans la réalité, il se produit à grande échelle un phénomène qui n’avait pas manqué de nous laisser perplexes lors des élections algériennes en 1991 : la démocratie engendrait potentiellement un régime anti-démocratique ! (le FIS, front islamiste, gagnait les élections et c’est par un coup d’état de l’armée le mois suivant que le scrutin était annulé).

Qu’ont fait nos pouvoirs démocratiquement élus depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ? Au prétexte de nous protéger contre une nouvelle guerre, ils n’ont eu de cesse de déléguer leurs pouvoirs à des structures supranationales non élues, via un grand projet qui s’appelle l’Europe, au travers de traités comme l’Acte Unique, Maastricht, ou Lisbonne. Or, force est de constater que ce projet enthousiasmant a du plomb dans l’aile et ne fait plus rêver personne, mis à part certains pays périphériques et les réfugiés de guerre ou économiques d’Afrique et d’Orient. La pression est même forte chez certains pour en sortir (voir le feuilleton du Brexit).

En revanche demeure l’impuissance de nos gouvernements devant le développement de la pauvreté et du chômage, la désindustrialisation et le rouleau compresseur de la finance internationale. Ce qui explique mais n’excuse pas l’interchangeabilité de nos pouvoirs de gauche et de droite, aux réformes sociétales près.

Donc, le débat qui se prépare pour l’élection présidentielle de 2017 est celui du retour ou non de la possibilité d’agir pour nos gouvernants et par là le retour d’une part de cette démocratie qui a été subrepticement mise entre parenthèses. Ce ne sont pas les primaires organisées à leur profit par les partis de l’alternance qui seront le lieu de ce débat. On a vu en 2012 ce que pouvait donner ce spectacle dans les mois et les années qui ont suivi.

Pour pouvoir agir, il faut en avoir les moyens. Pour en avoir les moyens, il faut rendre le pouvoir au peuple, souverain dans notre République. Pour cela, ne pas craindre des remises en question fondamentales du montage européen actuel. On voit ce qu’il est possible de faire en n’étant pas un des membres fondateurs, avec la démarche de renégociation menée par David Cameron. Si la France le veut, tout peut être reconsidéré dans le sens d’un retour du pouvoir aux peuples et d’une démarche de coopération, plutôt que d’une intégration de nations au développement hétérogène sous l’égide de la finance mondiale.

lundi 7 décembre 2015

Après le premier tour des régionales



Nous voilà donc avec un résultat global du premier tour des élections régionales qui n’aura surpris que les porteurs de lunettes en carton.

L’attitude martiale et les mesures policières prises par nos autorités n’auront pas suffi à l’électorat pour changer sa représentation de la classe politique au pouvoir depuis presque cinquante ans, incapable de prendre en compte ses aspirations, si ce n’est dans de grands discours pré-électoraux. Devant cette impression d’abandon, il se tourne vers ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de se salir les mains, si ce n’est dans des collectivités locales, et avec le résultat que l’on sait sur la culture et les services publics.

Alors, une attitude un peu condescendante et christique consisterait à dire : « pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! ». Choisissons plutôt de les respecter en leur disant : « électeurs du Front National qui n’êtes pas d’anciens OAS, d’anciens collabos ou nazillons divers, vous êtes des cons ! Vous croyez être des révolutionnaires et vous n’êtes que des trouillards qui se cachent dans l’isoloir pour qu’on ne les voie pas trembler. Vous êtes des racistes de seconde main, qui cherchent dans l’autre un bouc émissaire à tous vos malheurs, qui ne sont souvent que le résultat de vos renoncements successifs. ».

Ceci étant dit, la petite cuisine politicienne des partis dits de gouvernement, que l’on voit mijoter avant et après les élections ne peut pas avoir pour effet de mobiliser les consciences citoyennes. Ces dernières étaient d’ailleurs quelque peu anesthésiées par le traitement que l’on a constaté du résultat du référendum de 2005, lequel suivait une période de débat qui avait mobilisé de nombreux citoyens.

Faudra-t-il faire l’expérience d’un pouvoir FN pour que tous ceux qui s’en servent aujourd’hui pour crier leur désarroi prennent conscience de l’impasse qu’il représenterait ? La perte de temps qui en résulterait serait préjudiciable à notre pays pour longtemps, à l’intérieur et à l’extérieur. Il faut dès maintenant s’interroger sur ce que le FN, parti nouvellement rallié à la République, entend par les termes de liberté, d’égalité et de fraternité. On voit très vite les limites du concept de fraternité dans les propositions de ce parti : fraternité entre français de souche et rejet de l’immigré, quelle que soit la raison de son immigration ; liberté surveillée par des ribambelles de caméras de surveillance et des policiers municipaux armés ; enfin égalité de traitement des associations culturelles auxquelles les subventions sont supprimées. 
 
Quant au constat fait par ce parti sur les méfaits d’une construction européenne libérale, d’une monnaie unique dévastatrice pour notre industrie, de la souffrance réelle des jeunes sans emploi, etc. il est malheureusement en grande partie exact et ne doit pas être jeté avec l’eau de la marinade. C’est aux partis de gouvernement de l’entendre avant de se faire sortir du pouvoir. Crier « au loup ! » ne suffit pas. Une révision en profondeur de la politique menée depuis 1983 s’impose. Certains, à gauche, le disent depuis longtemps. Peut-être faudrait-il les écouter avant qu’il ne soit trop tard.

jeudi 5 novembre 2015

Régionales 2015 : de quelle élection s’agit-il ?



Lorsqu’on est attentif aux débats qui peuvent arriver aux oreilles des citoyens-électeurs, en dehors des meetings où ne se rendent en général que les convaincus, on a l’impression qu’il s’agit d’une élection nationale qui va porter un jugement sur l’action de l’actuel gouvernement.

Alors on comprend bien que les partis qui participent à l’exécutif entonnent le refrain : « ne nous trompons pas d’élection ! », car ils craignent à juste titre qu’une lourde défaite en soit le résultat. Seront-ils entendus ? Rien n’est moins sûr si l’on mesure le degré de dépolitisation profonde qui atteint le peuple français. Malheureusement, en effet, la tendance à considérer toute élection comme un défouloir se confirme d’année en année.

On peut difficilement en vouloir aux électeurs, qui ont été trompés avec constance par les gens qu’ils ont élus en croyant à leur système de valeurs et à leurs promesses. Ils règlent leurs comptes dans les urnes sans trop se préoccuper des conséquences à moyen ou long terme de leur vote.

En revanche, il faut souligner la malhonnêteté foncière de ceux qui ont participé avec délice aux exécutifs régionaux et qui pensent en manger encore plus en assimilant dans leur campagne les listes proches de l’exécutif à la politique rejetée de celui-ci. Le plus souvent, ils ont profité du souhait d’ouverture de leurs anciens partenaires pour se trouver une place valorisante (et valorisée) au sein des conseils régionaux sortants. 

Ensuite, la cohérence n’étant pas leur vertu principale, ils n’hésitent pas à afficher une harmonie de bon aloi entre leurs composantes, alors que des clivages politiques fondamentaux les séparent. Donc, si l’on se réfère au niveau national pour discréditer une liste, il faut aussi parler des questions nationales pour ces adeptes du renouveau. Deux exemples dans la région Midi-Pyrénées + Languedoc-Roussillon : Au sein de la liste menée par Gérard Onesta, cohabitent des composantes qui ont été opposées frontalement lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel : d’un côté EELV et de l’autre le Front de Gauche. On ne peut pas dire que ce référendum n’était pas porteur d’une importance politique majeure. De la même manière, il serait intéressant de connaître l’opinion du Parti Communiste sur la proposition faite par Monsieur Onesta de donner un statut particulier à la Catalogne du Nord (surfant en cela sur la vague de repli régiono-nationaliste européenne).

Alors, qui de ceux qui portent la croix du soutien à la politique de François Hollande et Manuel Valls et qui ont administré nos deux anciennes régions de façon satisfaisante, même s’il était possible de faire mieux dans nombre de domaines, ou de ceux qui ont été partie prenante de cette gestion et veulent aujourd’hui nous faire croire qu’ils sont des hommes ou femmes nouveaux ou nouvelles pour tirer le plus grand profit de la mauvaise opinion du peuple sur l’exécutif, en dépit des fossés politiques qui les séparent ?

mercredi 15 juillet 2015

Tout ça pour ça !



La signature de l’accord entre Athènes et l’Union Européenne donne une idée précise du recul de la force de la démocratie face à l’argent.

Nous nous réjouissions du retour du politique dans le débat européen, au travers du courageux et intelligent combat mené par le premier ministre grec face à la troïka ou ses avatars et pensions un peu trop vite que la donne allait être définitivement changée dans les rapports entre les Etats européens à la suite de cette intrusion de la démocratie dans le débat feutré entre représentants de la même doxa libérale, qu’elle soit ou non mâtinée de social.

Mais hélas, les prophéties du général de Gaulle et de Pierre Mendès France sur l’évolution d’une Europe qui ne serait pas construite sur une base politique et appuyée sur la démocratie dans les nations qui la composent se réalisent au-delà de toute crainte. La preuve est faite que le pouvoir est dans les mains de la finance, avec sa capacité d’empathie avec la souffrance des petits et son respect scrupuleux des choix démocratiques.

Il n’est pas vraiment légitime que certains se glorifient d’avoir obtenu ce résultat épouvantable pour la survie économique de la Grèce (tout au moins de celle qui n’opère pas à l’extérieur du pays en évitant de contribuer à l’effort national).

Comme si l’appartenance à la fameuse « zone euro » constituait une quelconque garantie de prospérité, voilà que notre président affiche sa fierté d’y avoir conservé la Grèce au prix d’efforts surhumains face à une Allemagne amnésique de sa propre histoire et imbue de la nouvelle puissance que lui donne sa main mise sur la monnaie unique.

Il est vrai que le peuple grec affiche une attitude ambigüe en voulant à la fois rester dans la zone euro et refuser les propositions des créanciers. La peur de l’inconnu est sûrement à l’origine de cette contradiction. Dans ces conditions, le mandat d’Alexis Sipras était difficile à mener à bien. Il aurait pu trouver dans un autre grand pays fondateur de l’Union Européenne un appui décisif au travers d’une remise en cause de l’Euro comme monnaie unique. Le rapport de force en aurait été modifié considérablement. Mais non, on préfère s’honorer d’une victoire à la Pyrrhus que de montrer du courage en affrontant ensemble un bloc €urophile, qui ne conduit pas la seule Grèce à la faillite, mais également les autres pays dits du Sud, la France comprise.

Ceux qui aujourd’hui se félicitent de cet accord euro-grec seront peut-être un jour confrontés à une situation comparable dans leur propre pays. Ce jour là, on ne manquera pas de leur demander de rendre des comptes au sujet de leur lâche soulagement d’aujourd’hui.

lundi 6 juillet 2015

Avec la Grèce, le retour du politique



Depuis 1992 et le traité de Maastricht, nous assistions en Europe à la disparition progressive de la politique au profit de la technocratie libérale médiatisée. Les principaux symptômes de l’évolution de cette maladie sont le caractère largement interchangeable des politiques conduites dans les grands pays d’Europe par les partis de pouvoir et le déni de démocratie que constitua le traité de Lisbonne, signé après le rejet franc par le peuple français du traité constitutionnel en 2005, et qui en contient l’essentiel des dispositions.

En 2005, à la suite d’un débat national intense sur le terrain, mais menacé par le rouleau compresseur des médias quasi unanimement favorables au « oui », la victoire nette du « non » a marqué ce que l’on pensait être le retour de la politique dans le débat sur l’avenir de l’Union Européenne. Pourtant, les médias et les partis de gouvernement n’ont pas manqué de discréditer un vote qui n’aurait été, selon eux, que l’expression d’un mécontentement multiforme ne remettant pas en cause le modèle libéral de la construction européenne et rassemblant extrême droite, extrême gauche et protestataires de tout poil.

Peu à peu on aurait pu croire que les peuples européens, malgré les sacrifices que certains ont dû faire pour rester dans la zone euro, acceptaient le caractère inéluctable d’une loi (la concurrence libre et non faussée et l’orthodoxie budgétaire) qui surplombe nos dirigeants démocratiquement choisis et qui prédétermine leur action dans les domaines les plus importants, comme le vote du budget et la maîtrise de la masse monétaire.
Cette loi, qui ne fait qu’accentuer les écarts de compétitivité entre les nations européennes, a conduit au creusement des inégalités et la paupérisation massive des couches les plus fragiles de nos sociétés. Ce que l’on ne nomme jamais austérité, mais plutôt rigueur budgétaire et limitation de la dette, a conduit à un rejet de plus en plus fort de la notion même d’Europe politique.

Les nations du Sud sont celles qui, du fait de leur culture et de la faiblesse de leur système industriel, souffrent le plus de ce déséquilibre. Ce n’est donc pas un hasard si certains mouvements non issus des partis traditionnels, comme Podemos ou Syriza ont rapidement prospéré dans nos contrées méridionales. 

La victoire de Syriza, malgré toute la pression mise sur les grecs par les dirigeants européens durant la campagne électorale, a marqué un changement décisif d’attitude face à l’austérité imposée aux pauvres pour rembourser une dette qui ne les concerne pas. On pouvait craindre cependant qu’à l’instar de certains dirigeants socio-démocrates, le nouveau gouvernement ne finisse par se coucher et accepter de nouveaux sacrifices pour son peuple.

Le gouvernement grec a respecté ses promesses électorales et s’est attablé à des négociations avec la troïka ou ses avatars avec l’intention de relancer la machine économique grecque pour rendre au pays les moyens de son autonomie, tout en faisant les réformes nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les régimes fiscaux trop favorables aux très riches, voire l’évasion fiscale massive.

Le référendum organisé et largement gagné par Alexis Tsipras contre le plan d’aide à la Grèce et ses contreparties inacceptables met cette fois avec force le politique au devant de la scène. Il participe à la remise en cause du caractère inéluctable de la priorité au remboursement de la dette, qui a montré qu’elle conduisait à la récession dans tous les pays sans espoir de voir un jour le bout du tunnel de l’austérité.

Les grecs ont montré qu’il était possible de refuser que les technocrates libéraux de Bruxelles n’imposent un gouvernement de techniciens bien pensants à un peuple, comme ils l’ont fait en Italie et en Grèce précédemment. Ils redonnent l’espoir dans un changement radical de mode de construction européenne, pourvu que les autres peuples qui souffrent prennent conscience de la force de la démocratie.