mercredi 11 avril 2012

Déchiffrage des chiffrages


Heureusement que nous avions été entraînés, grâce à la crise financière puis à la crise de l’euro, à la manipulation mentale de chiffres astronomiques. Nous voilà en effet submergés de milliards d’euros sensés rendre crédibles les programmes des candidats à l’élection présidentielle. Sans cet entrainement, les brillants économistes que nous sommes tous ne pourraient pas se faire une opinion objective avant d’aller voter…

Il y a bien quelques impétrants « pas sérieux » qui négligent cet exercice élémentaire d’arithmétique financière, mais dans l’ensemble, ils s’y sont tous astreints. Tout ceci ravit les économistes patentés qui sévissent dans les médias et les entourages des candidats, qui peuvent contester tel ou tel coût de mesure, telle ou telle hypothèse de croissance, telle ou telle rentrée fiscale, … Et les voilà devant des tableaux, des graphiques, drapés dans leur supposée compétence, donnant des bons et des mauvais points, allant jusqu’à jeter le discrédit sur l’un ou l’autre au prétexte que son chiffrage ne serait pas conforme aux canons ou ne serait pas sincère, comme on le dit d’un budget.

C’est attribuer beaucoup d’influence à des gens qui ont prouvé avec constance leur incapacité à prévoir les phénomènes économiques, qui nous ont rebattu les oreilles depuis le début des années 90 avec l’intérêt de construire une Europe libérale dont on voit aujourd’hui dans quel état lamentable elle se trouve.
On a envie de leur demander de se taire et de laisser le débat politique se dérouler entre ceux qui sont réellement susceptibles de pouvoir agir un jour. On a envie de dire aux candidats de ne pas se laisser entraîner sur le terrain du chiffrage des mesures, même s’ils doivent s’assurer pour eux-mêmes que celles-ci sont a priori réalisables.

S’il suffisait d’être bon en calcul pour gouverner, nos dirigeants seraient tous des matheux.

La réalité est le plus souvent différente des prévisions. Les événements sociaux, la psychologie individuelle et collective, les catastrophes, voire la météorologie, influent sur la réalité économique beaucoup plus que ne le laissent croire les chiffreurs et déchiffreurs. Tout mécanisme bien huilé peut être mis à bas du jour au lendemain par un mouvement spontané (voir mai 68, voir aussi l’effet coupe du monde de foot 98). Certains pays en très mauvais état financier, qui auraient été condamnés pour longtemps par nos analystes, se sont redressés rapidement pour être florissants (voir l’exemple de l’Argentine).

Alors plutôt qu’aux alignements de chiffres, intéressons nous à des questions simples comme : Quelles sont les valeurs qui sous-tendent les programmes ? Pour qui est faite la politique proposée ? Quels moyens politiques seront utilisés ? Comment serons nous gouvernés ? L’adaptation des moyens financiers se fera avec les conditions qui existeront lors de la mise en œuvre des programmes.

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