Dans la dramaturgie de la campagne électorale, on assiste à ce que les
metteurs en scène de ce spectacle doivent considérer comme étant un crescendo
jusqu’à l’affrontement du premier tour. Entre les deux tours, l’essentiel du
scénario se passe en coulisses et il n’y a guère que la grande scène finale du
débat entre les survivants, qui précède l’épilogue.
Donc, dans le crescendo auquel nous assistons, il a d’abord été question d’un
côté de moquer la soi-disant mollesse de l’adversaire désigné, en même temps
que l’on faisait en sorte d’étouffer dans l’œuf les velléités de candidature
dans son camp. De l’autre côté, on comptait bien sur un phénomène de rejet
massif du sortant, tout en dévoilant partiellement au travers des primaires,
les grands thèmes susceptibles d’être abordés. Des deux côtés, on ignorait
superbement les éventuels trouble-fête, empêcheurs de débattre entre nous, tout
en donnant des signes à leur électorat pour ne pas insulter l’avenir.
La phase suivante pourrait s’appeler « l’entrée en campagne ».
Comme si jusque là ce qui avait été dit et fait n’avait rien à voir avec la
campagne électorale. Pourtant, qu’il s’agisse des déplacements sur le terrain
de celui qui pouvait utiliser les moyens de l’Etat, ou du traitement médiatique
exceptionnel de la primaire socialiste, il semble bien que celle-ci était
entamée depuis longtemps (voir sur ce blog l’article « La campagne électorale aurait donc commencé ? »). Cette phase devait signer la
fin des candidatures de témoignage. Les grands meetings (Le Bourget d’un côté,
Villepinte de l’autre) ont été l’occasion d’affirmer les valeurs sensées sous-tendre
l’action et les propositions des impétrants : la barre bien à droite d’un
côté, bien à gauche de l’autre.
En effet, les candidatures de témoignage ont disparu pour des raisons
officielles diverses et avec un débouché plus ou moins glorieux. Mais les
trublions ont persisté dans leur hérésie et se sont accrochés. Il en est même
un qui est allé défier le duo sur son terrain en organisant un énorme meeting
en plein air, qui lui a valu d’être pris au sérieux par les observateurs, mais
aussi par des abstentionnistes potentiels.
Nous sommes aujourd’hui dans la troisième et dernière phase programmée, l’acmé
de la campagne : la présentation détaillée des programmes. Aux meetings de
circonstance viennent s’ajouter un livret avec soixante propositions d’un côté
et une « lettre aux français » de l’autre (François Mitterrand avait déjà pratiqué l'exercice). Dans le grand show d’annonce,
le sortant a, pour l’essentiel, parlé de son concurrent et évoqué une mesure
phare consistant à avancer de huit jours le paiement des pensions de retraite.
Au-delà, il a promis l’austérité à perpétuité, garantie par le respect
scrupuleux des injonctions de la machine à contraindre européenne. L’outsider
officiel mais favori des sondages a, lui, préféré proposer un calendrier serré
de mise en œuvre de mesures urgentes et symboliques, comme le blocage
temporaire des prix des carburants et l’augmentation de l’allocation de rentrée
scolaire, étant dans l’impossibilité de dévoiler les tortures qu’il devra
appliquer à notre partenaire allemand pour lui faire entendre raison sur le
financement des dettes souveraines et la nécessité d’une croissance forte pour
sortir de la crise.
Quand on observe le déplacement massif de citoyens dans les réunions en
plein air faites par celui qui est désormais appelé le troisième homme, on se
dit qu’il est possible que le scénario initial doive subir quelques
réajustements de dernière minute.
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