mercredi 13 juin 2012

Parachutage et morale politique


Le concept de parachutage électoral est aussi vieux que l’ont permis les codes électoraux. Si les législateurs ont permis cette pratique, c’est soit qu’elle devait soit avoir une utilité dans l’intérêt supérieur de la nation, soit qu’ils étaient conscients qu’il serait toujours possible de contourner l’esprit de la règle d’une manière ou d’une autre.
Constatons donc que ce phénomène existe, mais constatons également qu’il provoque des réactions très vives lorsqu’il se produit. Les exemples célèbres en cours sont légion : Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont, Ségolène Royal à La Rochelle, Gilbert Collard dans le Gard, François Fillon à Paris, Jack Lang dans les Vosges. Chez ces célébrités, le parachutage à droite semble mieux réussir qu’à gauche. 

On peut s’interroger sur les aspects moral et démocratique du parachutage, en ne niant pas qu’ils ne font pas toujours bon ménage.

Pour ce qui est de la démocratie, les élus sont les élus de la nation. Ils votent des lois qui s’appliquent en principe de la même manière sur le territoire national. S’ils obtiennent les suffrages d’une majorité de citoyens de la circonscription concernée, il n’y a pas de raison de crier au déni de démocratie. Mais ce sont rarement des électrons libres et ils sont adoubés par un parti politique. C’est dans l’adoubement que peut se situer le défaut de démocratie. En effet, quand un parti politique impose à sa base, sans aucun vote des adhérents, un candidat venu d’ailleurs, il est difficile de considérer la procédure comme démocratique.

Mais quel sens peut avoir l’imposition par un parti à ses adhérents d’un candidat sur un territoire donné ? 

La première interprétation évidente est qu’il n’existe pas dans le parti et dans ce territoire de candidat potentiel à la hauteur. L’expression « à la hauteur » pouvant signifier soit : capable de gagner l’élection, soit ayant un minimum de qualités pour faire un élu acceptable. Dans l’épisode que nous sommes en train de vivre, la première acception n’est pas valide, car l’aspiration produite par l’élection présidentielle garantit dans les circonscriptions concernées, une victoire à n’importe quel candidat (peu importe le QI ou la force et la qualité des convictions). Donc, pour employer une expression imagée, on prend les autochtones pour des billes.

La deuxième interprétation est qu’il existe au sein des partis des sdf de luxe, qui passent la majorité de leur temps dans l’appareil parisien de leur parti et qui sont de ce fait éloignés de toute préoccupation des territoires situés au-delà du périphérique de la capitale. Ils bénéficient pour survivre dignement de postes qui leur laissent beaucoup de temps libre. Mais côtoyer le pouvoir, tutoyer les puissants tous les jours provoque à la longue une frustration légitime qui les conduit à chercher une circonscription accueillante pour passer du bon côté du rideau de scène. Ils sont idéalement placés pour demander à l’appareil de les investir dans une circonscription gagnable et d’envoyer les figures de proue les soutenir durant la campagne électorale.

Existe-t-il des situations où le parachutage d’un sdf politique soit moralement acceptable ?

Le cas d’une circonscription acquise de longue date à l’autre camp et dont les adhérents du parti souhaitent l’apport d’un personnage de qualité pour tenter de changer la donne, semble tout à fait possible. A ceci près que le personnage en question devrait s’engager auprès de la circonscription qu’il convoite afin que celle-ci ne soit pas qu’un tremplin aussitôt oublié après le saut.
On cherche en vain d’autres conditions qui justifieraient moralement un parachutage. 

Il existe cependant une colonie de sdf, à laquelle s’ajoutent des personnes de qualité ayant le mauvais goût d’habiter une circonscription gagnable en aucune circonstance. Ce serait dommage que la nation se prive de nombre d’entre eux. L’instauration d’une part de proportionnelle dans l’élection législative aurait l’immense avantage de permettre aux appareils de caser quelques uns d’entre eux sans devoir les imposer à des militants qui n’en veulent à aucun prix dans leur circonscription. Le second avantage de cette réforme serait de voir tous les courants de pensée représentés dans l’hémicycle. La morale et la démocratie auraient tout à y gagner.

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