Le concept de parachutage électoral est aussi vieux
que l’ont permis les codes électoraux. Si les législateurs ont permis cette
pratique, c’est soit qu’elle devait soit avoir une utilité dans l’intérêt
supérieur de la nation, soit qu’ils étaient conscients qu’il serait toujours
possible de contourner l’esprit de la règle d’une manière ou d’une autre.
Constatons donc que ce phénomène existe, mais
constatons également qu’il provoque des réactions très vives lorsqu’il se
produit. Les exemples célèbres en cours sont légion : Jean-Luc Mélenchon à
Hénin-Beaumont, Ségolène Royal à La Rochelle, Gilbert Collard dans le Gard,
François Fillon à Paris, Jack Lang dans les Vosges. Chez ces célébrités, le
parachutage à droite semble mieux réussir qu’à gauche.
On peut s’interroger sur les aspects moral et
démocratique du parachutage, en ne niant pas qu’ils ne font pas toujours bon
ménage.
Pour ce qui est de la démocratie, les élus sont les
élus de la nation. Ils votent des lois qui s’appliquent en principe de la même
manière sur le territoire national. S’ils obtiennent les suffrages d’une
majorité de citoyens de la circonscription concernée, il n’y a pas de raison de
crier au déni de démocratie. Mais ce sont rarement des électrons libres et ils
sont adoubés par un parti politique. C’est dans l’adoubement que peut se situer
le défaut de démocratie. En effet, quand un parti politique impose à sa base,
sans aucun vote des adhérents, un candidat venu d’ailleurs, il est difficile de
considérer la procédure comme démocratique.
Mais quel sens peut avoir l’imposition par un parti à
ses adhérents d’un candidat sur un territoire donné ?
La première interprétation évidente est qu’il n’existe
pas dans le parti et dans ce territoire de candidat potentiel à la hauteur. L’expression
« à la hauteur » pouvant signifier soit : capable de gagner l’élection,
soit ayant un minimum de qualités pour faire un élu acceptable. Dans l’épisode
que nous sommes en train de vivre, la première acception n’est pas valide, car
l’aspiration produite par l’élection présidentielle garantit dans les
circonscriptions concernées, une victoire à n’importe quel candidat (peu
importe le QI ou la force et la qualité des convictions). Donc, pour employer
une expression imagée, on prend les autochtones pour des billes.
La deuxième interprétation est qu’il existe au sein
des partis des sdf de luxe, qui passent la majorité de leur temps dans l’appareil
parisien de leur parti et qui sont de ce fait éloignés de toute préoccupation
des territoires situés au-delà du périphérique de la capitale. Ils bénéficient
pour survivre dignement de postes qui leur laissent beaucoup de temps libre.
Mais côtoyer le pouvoir, tutoyer les puissants tous les jours provoque à la
longue une frustration légitime qui les conduit à chercher une circonscription
accueillante pour passer du bon côté du rideau de scène. Ils sont idéalement
placés pour demander à l’appareil de les investir dans une circonscription
gagnable et d’envoyer les figures de proue les soutenir durant la campagne
électorale.
Existe-t-il des situations où le parachutage d’un
sdf politique soit moralement acceptable ?
Le cas d’une circonscription acquise de longue date
à l’autre camp et dont les adhérents du parti souhaitent l’apport d’un
personnage de qualité pour tenter de changer la donne, semble tout à fait
possible. A ceci près que le personnage en question devrait s’engager auprès de
la circonscription qu’il convoite afin que celle-ci ne soit pas qu’un tremplin
aussitôt oublié après le saut.
On cherche en vain d’autres conditions qui
justifieraient moralement un parachutage.
Il existe cependant une colonie de sdf, à laquelle s’ajoutent
des personnes de qualité ayant le mauvais goût d’habiter une circonscription gagnable
en aucune circonstance. Ce serait dommage que la nation se prive de nombre d’entre
eux. L’instauration d’une part de proportionnelle dans l’élection législative
aurait l’immense avantage de permettre aux appareils de caser quelques uns d’entre
eux sans devoir les imposer à des militants qui n’en veulent à aucun prix dans
leur circonscription. Le second avantage de cette réforme serait de voir tous
les courants de pensée représentés dans l’hémicycle. La morale et la démocratie
auraient tout à y gagner.
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