En soi, l’idée de donner de l’autonomie à des structures
dotées d’organes de direction démocratiquement désignées semble une excellente
chose. On comprend donc que certains responsables élus des universités
françaises institués chefs d'entreprises aient approuvé la loi relative aux libertés et responsabilités des
universités, dite loi LRU.
Cette loi, proposée par Valérie Pécresse et votée en 2007,
visait à faire en sorte que dans un monde vu sous son aspect concurrentiel, les
universités de notre pays parviennent à un rang honorable. Divers classements,
dont celui de Shanghaï ne situent pas en effet nos universités parmi les
meilleures du monde. Les critères de jugement portent sur le nombre prix Nobel,
le nombre de chercheurs les plus cités par leurs collègues, le nombre de
publications dans les revues Science ou Nature, le nombre de publications
indexées dans une base de données mondiale et enfin la taille de l’institution.
De fait, même si chaque critère en soi a du sens, la
bibliométrie ne peut rendre compte à elle seule de la valeur d’une université.
Cette valeur provient également de sa capacité de proposer une formation de
qualité au plus grand nombre d’étudiants.
Or, à quoi conduit une politique
orientée essentiellement vers un meilleur classement international de nos
universités ?
En premier lieu à une concurrence frontale entre elles. L’optimisation
des critères de Shanghaï conduit à favoriser l’embauche de chercheurs et
enseignants-chercheurs dont la production scientifique mesurée par les articles
de revue, augmentera le ratio de l’université. Ceci, trop souvent au détriment
de la qualité de l’enseignement.
Autre aspect de la loi LRU, le désengagement de l’Etat dans
le financement de son système universitaire. Les institutions sont invitées à
trouver un complément de financement auprès de partenaires industriels. Le
sponsoring de la science n’étant certes pas une caractéristique des grands
industriels français, ce partenariat, qui n’est pas en soi à rejeter, deviendra
une obligation. Dans ce cas, les contreparties exigées pourront porter atteinte
à la liberté du chercheur d’entreprendre des recherches fondamentales.
L’attribution de l’argent, mobilisé par le fameux grand
emprunt, au monde de l’enseignement supérieur et de la recherche a été l’occasion
d’expérimenter la mise en concurrence des universités. Outre une dépense d’énergie
phénoménale pour constituer des dossiers, les responsables des universités ont
été conduits à mettre en place des structures nouvelles sensées plaire aux
évaluateurs, mais en réalité des « usines à gaz » mettant en péril le
fonctionnement des institutions existantes.
Le credo des bienfaits de la concurrence qui anime l’action
de nos actuels gouvernants aura ainsi conduit à une autonomie de façade, à la
remise ne cause de structures qui donnaient très souvent satisfaction et enfin
à l’incompréhension entre les responsables universitaires et une base tenue par
nécessité à l’écart du montage des dossiers. Le bilan ne se mesurera pas en
termes de millions attribués à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais
en déstabilisation complète du système.
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