jeudi 8 mars 2012

L'autonomie bidon des universités


En soi, l’idée de donner de l’autonomie à des structures dotées d’organes de direction démocratiquement désignées semble une excellente chose. On comprend donc que certains responsables élus des universités françaises institués chefs d'entreprises aient approuvé la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU.

Cette loi, proposée par Valérie Pécresse et votée en 2007, visait à faire en sorte que dans un monde vu sous son aspect concurrentiel, les universités de notre pays parviennent à un rang honorable. Divers classements, dont celui de Shanghaï ne situent pas en effet nos universités parmi les meilleures du monde. Les critères de jugement portent sur le nombre prix Nobel, le nombre de chercheurs les plus cités par leurs collègues, le nombre de publications dans les revues Science ou Nature, le nombre de publications indexées dans une base de données mondiale et enfin la taille de l’institution.
De fait, même si chaque critère en soi a du sens, la bibliométrie ne peut rendre compte à elle seule de la valeur d’une université. Cette valeur provient également de sa capacité de proposer une formation de qualité au plus grand nombre d’étudiants. 

Or, à quoi conduit une politique orientée essentiellement vers un meilleur classement international de nos universités ?

En premier lieu à une concurrence frontale entre elles. L’optimisation des critères de Shanghaï conduit à favoriser l’embauche de chercheurs et enseignants-chercheurs dont la production scientifique mesurée par les articles de revue, augmentera le ratio de l’université. Ceci, trop souvent au détriment de la qualité de l’enseignement.

Autre aspect de la loi LRU, le désengagement de l’Etat dans le financement de son système universitaire. Les institutions sont invitées à trouver un complément de financement auprès de partenaires industriels. Le sponsoring de la science n’étant certes pas une caractéristique des grands industriels français, ce partenariat, qui n’est pas en soi à rejeter, deviendra une obligation. Dans ce cas, les contreparties exigées pourront porter atteinte à la liberté du chercheur d’entreprendre des recherches fondamentales.

L’attribution de l’argent, mobilisé par le fameux grand emprunt, au monde de l’enseignement supérieur et de la recherche a été l’occasion d’expérimenter la mise en concurrence des universités. Outre une dépense d’énergie phénoménale pour constituer des dossiers, les responsables des universités ont été conduits à mettre en place des structures nouvelles sensées plaire aux évaluateurs, mais en réalité des « usines à gaz » mettant en péril le fonctionnement des institutions existantes.

Le credo des bienfaits de la concurrence qui anime l’action de nos actuels gouvernants aura ainsi conduit à une autonomie de façade, à la remise ne cause de structures qui donnaient très souvent satisfaction et enfin à l’incompréhension entre les responsables universitaires et une base tenue par nécessité à l’écart du montage des dossiers. Le bilan ne se mesurera pas en termes de millions attribués à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais en déstabilisation complète du système.

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